

Virginie
LEFÈVRE
Rédactrice Sirenergies
Table des matières
March 8, 2024
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Le jeudi 10 février 2022, le Président, Emmanuel Macron, annonçait à Belfort un programme ambitieux de renouvellement de la filière nucléaire française. Emboîtant le pas à son aîné, le Général de Gaulle, il déclarait :
“Pour produire de l'énergie, en particulier l'électricité, nous avons une chance, c'est notre modèle historique. Le parc installé, le nucléaire.”
Aujourd’hui, la guerre en Ukraine, qui nous rappelle plus que jamais le risque de l’atome, tant par les menaces à demi-voilées du Président russe, Vladimir Poutine, que par l’attaque délibérée de ses forces militaires sur la plus grande centrale nucléaire d’Europe, Zaporijia, les Français sont confrontés à une hausse dramatique des prix de l’électricité de gros et ce malgré la rente du parc nucléaire historique dont ils disposent…
Pourquoi l'électricité est nucléaire mais se paie au prix du gaz ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre dans cet article qui vous expliquera notamment le fonctionnement du marché européen de gros de l’électricité.

Courbe de prix de marché gaz et électricité pour 2023 - Source : SirEnergies
Accéder aux courbes des prix de marché gratuitement
Ce phénomène s’est accentué de façon spectaculaire depuis le début de l’année 2022, le gaz a augmenté de 60 %, on peut donc parler d’envolée du prix du gaz.
Cette envolée du prix du gaz est liée à des raisons internationales, voire géostratégiques, puisque la France n’est pas productrice de gaz, elle importe entièrement ses besoins en gaz, notamment depuis la mer du Nord, de Norvège, et aussi, comme ses voisins européens, d’autres pays tels que la Russie.
Ces raisons géostratégiques pour l’envolée du prix du gaz tiennent à :
Pour l’électricité, c’est autre chose et beaucoup plus étrange pour le consommateur lambda, puisqu’il n’y a quasiment pas eu d’augmentation du coût de production de l’électricité en France ces derniers mois.
La part du gaz et du pétrole dans la production électrique française est de l’ordre de 7 % et en Europe c’est de l’ordre de 20 %, et il y a une partie du coût qui est liée à la construction des installations. Donc si on regarde juste la part du combustible c’est moins de 10 % du coût total de production de l’électricité qui dépend du gaz en Europe.

Source : Connaissance des Énergies
Donc ce n’est pas le coût de l’électricité qui a flambé du fait de l’augmentation du prix du gaz. Par ailleurs, la demande d’électricité n’a pas flambé non plus, elle est stable. Le prix de l’électricité sur le marché a flambé uniquement du fait du mécanisme de marché lui-même.
Comparativement, si la France était restée dans le système des tarifs réglementés qui existaient du temps de l’entreprise publique, le prix n’aurait pas évolué ou quasiment pas puisque les coûts n’ont pas évolué en globalité. D’autant qu’aujourd’hui l’ARENH permet aux acteurs de marché de couvrir une partie de leur coût à un prix fixe régulé.
Les prix de gros sur les marchés de l’énergie sont calés sur les coûts marginaux.
C’est-à-dire qu’à chaque instant le prix de marché est égal au coût de production de la centrale la plus chère de tout le réseau interconnecté européen, et ce même si la part de production de cette centrale représente une part infime de la production totale, car ce mécanisme de formation des prix de gros est indépendant des quantités produites.
C’est le principe de la préséance économique (merit order) qui consiste à démarrer les centrales de production de la moins chère à la plus chère au fur et à mesure que la demande augmente et à rémunérer l’électricité produite à un instant T au prix de la dernière centrale appelée à fonctionner pour garantir l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité et équilibrer la tension sur le réseau à 50 Hz.

Préséance économique : le prix s’établit au croisement des courbes de l’offre et de la demande - Source : Ministère de la Transition écologique
Ce prix, qui dépend non pas du prix moyen de l’électricité produite mais du prix de la dernière centrale marginale appelée à fonctionner, est applicable à toutes les centrales en production à ce moment-là, quelle que soit leur part relative dans la production du parc installé.
Il y a donc un alignement du marché sur le prix marginal de production de la dernière centrale appelée par le gestionnaire de réseau (RTE pour la France).
Autrement dit, si une centrale gaz fournit 1 % de l’électricité du réseau interconnecté, le coût de production de cette centrale sera appliqué à 100 % de cette électricité sur le marché de gros.
Et donc en cas de forte tension en Europe sur la demande en électricité, c'est-à-dire en cas de mobilisation des centrales de production de pointe, le prix résultant sur le marché de gros sera bien supérieur à la valeur moyenne de la production au même moment.
Ainsi, si le prix du gaz flambe sur les marchés du gaz, par effet de ricochet : dès qu’une centrale à gaz sera appelée en production, son coût de production s’appliquera mécaniquement à l’ensemble de l’électricité produite sur le réseau interconnecté européen, même si cette électricité est globalement produite à partir de barrage hydraulique ou de centrales nucléaires dont les coûts sont bien plus faibles et quasiment stables.
En conséquence, le prix de gros de l’énergie ne reflète pas le mix énergétique de chaque pays et donc les choix politiques structurants du parc de production.
Et c’est sans oublier le prix du CO2 qui s’applique à la production électrique des centrales fossiles, et donc des centrales à gaz, ce qui renchérit le prix de production des centrales à gaz et, par effet mécanique du principe exposé ci-dessus de préséance économique, celui de l’ensemble de la production électrique, qu’elle soit d’origine nucléaire, hydraulique ou encore éolienne.
De ce point de vue, en fonction de leur mix énergétique, tous les pays européens ne sont pas égaux, certains étant plus vertueux que d’autres. Les consommateurs subissent l’effet mécanique du marché de gros européen et les choix de la politique énergétique de leur voisin, comme en témoigne cette carte.
Avec ce mécanisme de marché, les prix de gros sont corrélés aux prix du gaz et deviennent incontrôlables par la puissance publique et extrêmement volatils.
Ce qui pénalise les producteurs qui doivent faire des investissements très importants et qui font face à un prix très volatil qu’ils ne peuvent pas anticiper et donc à un risque financier important.
Et ce qui pénalise aussi évidemment les consommateurs, tout d’abord les particuliers puisque leurs factures vont augmenter pour refléter l’augmentation des prix sur les marchés de gros.
Et ensuite les entreprises, PME/PMI françaises et électro-intensives, qui ont besoin d’assurer l’approvisionnement électrique de leur outil productif et qui voudraient avoir une visibilité sur les prix, dit autrement un prix stable et lié aux coûts de production, pour pouvoir maîtriser le prix de vente de leurs produits et rester compétitifs.
Dans la situation actuelle c’est un problème pour tout le monde, même s’il y a certains consommateurs qui subissent la hausse des factures d’énergie et pas d’autres.
Sur les marchés, les opérateurs s’échangent l’électricité au prix de gros pour ensuite répercuter la variation des prix sur leurs clients.
Certains consommateurs ont des contrats de fourniture avec des prix fixes garantis sur plusieurs années, donc pour l’instant ils ne subissent pas les hausses de prix des marchés de gros. Ils subiront ces hausses plus tard au moment du renouvellement de leur contrat mais de manière très lissée.
D’autres consommateurs ont des contrats indexés sur les prix de marché et donc ils subissent dès à présent ces hausses sur les marchés de l’électricité.
Comme vous l’aurez compris, l’augmentation du prix du gaz a des conséquences directes sur le prix de gros de l’électricité atteignant des sommets et mettant l’Europe sous tension.
C’est pourquoi le mardi 1er mars 2022, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance a déclaré sur FranceInfo : « Je souhaite qu’on prolonge le bouclier tarifaire ».
Le bouclier tarifaire avait été annoncé par le Premier ministre, Jean Castex, le 30 septembre 2021 pour faire face à l’exceptionnelle hausse des prix de l’énergie observée depuis la mi-2021. La mise en place de ce bouclier tarifaire par le gouvernement visait alors à limiter à 4 % la hausse moyenne des TRV (tarifs réglementés de vente) applicables aux clients résidentiels.
Aujourd’hui, face à la guerre en Ukraine, les prix de l’électricité flambent à nouveau en Europe. Le bouclier tarifaire, initialement conçu pour faire face à une situation exceptionnelle, va perdurer sous l’action conjuguée de la guerre et de la présidentielle en France.
Les pouvoirs publics affirment que le bouclier tarifaire va résister et permettre de contenir la hausse des prix dans l’objectif de 4 % annoncé en septembre 2021. Hausse des prix qui aurait dû atteindre près de 40 % selon les estimations présentées le 10 janvier par Bercy.
Toutes ces mesures pour contenir le prix de l’énergie représentaient déjà un coût pour l’État de 14 milliards d’euros sur 2021-2022, avant la guerre en Ukraine.
Pour répondre à la situation de crise actuelle, le gouvernement a également augmenté de 20 TWh le niveau d’ARENH (initialement de 100 TWh) qui sera livré en 2022, et dans le même temps révisé à la hausse son prix à 46,20 €/MWh (initialement à 42 €/MWh).
Grâce à cette mesure portant sur l’ARENH, les fournisseurs vont donc pouvoir bénéficier de 20 % d’énergie d’origine nucléaire en plus pour répondre aux besoins de leurs clients. Ce prix subit cependant une augmentation de 10 %.
On observe donc, à la lumière de la crise actuelle, les limites du modèle de mécanisme de marché construit sur le principe de la préséance économique et du coût marginal de la dernière centrale appelée qui conduit à une hausse dramatique des prix pour le consommateur final.
Dans le même temps, le gouvernement est obligé de prendre des mesures palliatives afin de faire bénéficier les consommateurs français de la rente nucléaire sans s’attirer les foudres de Bruxelles.
L’énergie s’est déjà largement invitée dans la campagne présidentielle, certains prônant le renouveau du nucléaire, comme l’actuel président-candidat, Emmanuel Macron, et d’autres, comme Yannick Jadot, y étant totalement opposés et souhaitant au contraire augmenter de 3 000 éoliennes supplémentaires le parc existant qui en compte déjà 9 000.
Comme chacun le sait, l’augmentation des énergies renouvelables pose le problème de leur intermittence. Or, pour faire face à leur intermittence, les centrales de pointe de type CCGT (centrales à gaz) sont fortement sollicitées, ce qui, avec les mécanismes actuels de marché européen, aurait tendance à maintenir artificiellement un prix de gros de l’électricité élevé.
À n’en pas douter, la composante géostratégique, c’est-à-dire la dépendance au gaz et donc à la Russie, va devenir un critère de plus en plus prépondérant dans les choix de politique énergétique des 27.
Au changement climatique, au renouveau de la filière nucléaire française, à la dépendance aux panneaux photovoltaïques chinois, à la transformation de nos campagnes et des littorales par les éoliennes, etc., nos politiques français doivent maintenant composer de plus en plus avec la géostratégie du gaz, à moins qu’ils ne tentent de sortir des mécanismes de marchés européens !
Hypothèse peu probable tant il est vrai que, dans la période actuelle où les 27 appellent de leurs vœux à plus d’Europe, la cohésion et la solidarité n’ont jamais été aussi fortement mises à rude épreuve, par le Brexit d’abord, puis par la guerre en Ukraine ensuite.
N’hésitez pas à lire notre récent article : « Guerre en Ukraine - Quelle dépendance au gaz russe pour les pays de l'UE ? »
Les prix de l'électricité, du gaz et du CO2 évoluent tous les jours et sont importants à suivre pour acheter au meilleur moment.
Au-delà de vous accompagner dans vos optimisations énergétiques, notre vision est de vous donner cette transparence en temps réel. Les données de prix vous permettent de prendre de meilleures décisions pour votre entreprise.

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Le €/MWh est une unité de prix utilisée sur les marchés de gros, tandis que le kWh est l’unité visible sur vos factures.
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Les bénéfices incluent une réduction directe des factures, une anticipation budgétaire renforcée et une meilleure maîtrise des consommations. Les entreprises gagnent en visibilité et en efficacité grâce à des outils adaptés.
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Les entreprises tertiaires sont concernées par des taxes comme la TICFE ou la TICGN. Sirenergies vérifie l’exactitude des factures, identifie les exonérations possibles et aide à corriger les erreurs pour réduire durablement les coûts.
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Les entreprises industrielles consomment d’importants volumes d’énergie pour leurs procédés de production. Elles doivent faire face à la volatilité des prix, à la gestion multi-sites et à des taxes spécifiques. La maîtrise des coûts est essentielle pour rester compétitif.
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Les entreprises du tertiaire doivent gérer leurs coûts d’énergie tout en garantissant le confort des usagers (bureaux, commerces, services). Les consommations sont souvent liées au chauffage, à la climatisation et à l’éclairage, ce qui nécessite un suivi précis pour éviter les dérives budgétaires.
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Les exploitations agricoles doivent composer avec des besoins saisonniers élevés (chauffage de serres, irrigation, stockage) et une forte volatilité des prix. Maîtriser ces coûts est essentiel pour préserver la rentabilité et sécuriser l’activité.
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La puissance souscrite doit être calculée en fonction du profil de consommation et des usages (chauffage, process industriels, équipements tertiaires). Une analyse fine permet d’assurer l’adéquation entre besoin réel et contrat.
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Le sourcing consiste à identifier et analyser les offres de plusieurs fournisseurs d’électricité et de gaz. Cette démarche permet d’obtenir des contrats adaptés au profil de consommation et aux contraintes budgétaires de l’entreprise.

