Le TURPE : Fondement économique et tarif

il y a 2 mois   •   8 minutes de lecture

Table des matières

Les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) représentent près du tiers de la facture totale d’électricité. Ses dernières évolutions ont impacté à la hausse la facture énergétique des entreprises et des particuliers.

Mais à quoi sert ce tarif ? Comment est-il calculé ? Qui le fixe ? Quels sont les mécanismes économiques qui le composent ? Peut-on l’optimiser pour réduire le montant de la facture énergétique ? Quel TURPE s’applique aujourd’hui et quelle évolution est attendue en 2025 avec le nouveau TURPE 7 ? Éclairage.

Qu’est-ce que le TURPE (Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité) ?

Le TURPE sert à financer l’acheminement de l’électricité des centres de production aux consommateurs. Plus précisément, il couvre les coûts des investissements sur les réseaux publics de transport et de distribution d’électricité.

Le TURPE : un tarif collectif pour investir sur les réseaux

En France, la gestion des réseaux publics d’électricité est placée sous la responsabilité de RTE pour le transport, et d’Enedis et des Entreprises Locales de Distribution (ELD) pour la distribution.

Ces entreprises ont notamment pour mission de maintenir, développer et moderniser les réseaux électriques afin de garantir la sécurité des approvisionnements.

Prélevé directement sur la facture d’électricité des consommateurs, le TURPE finance ces missions de service public. Les gestionnaires de réseau perçoivent la totalité des recettes du TURPE, calculé au plus près de leurs besoins par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE).

C’est leur source principale de revenus pour investir. Les exploitants ne réalisent aucun bénéfice sur ces activités de monopole.

Les deux tarifs de TURPE

Le TURPE se décline en deux tarifs :

  • Le TURPE HTB : ce tarif concerne les gros consommateurs d’électricité, entreprises et collectivités raccordés au réseau électrique de haute et très haute tension.
  • Le TURPE HTA-BT : ce tarif s’applique aux clients particuliers et professionnels raccordés au réseau moyenne et basse tension.

TURPE : principes fondamentaux et structure tarifaire

Le TURPE est régi par la CRE dans le cadre de sa mission de régulation des réseaux d’énergie. L’objectif : garantir la qualité du service public de l’électricité, tout en maintenant des prix et tarifs justes, aussi bien pour les gestionnaires de réseau que pour les consommateurs.

Les 4 principes fondamentaux du TURPE

Le TURPE repose sur 4 principes fondamentaux qui définissent sa structure et sa méthode de calcul :

  • La péréquation tarifaire : au nom du principe de solidarité territoriale, les tarifs d’accès sont les mêmes sur l’ensemble du territoire français. Le coût d’accès supporté par les consommateurs est identique, indépendamment de leur zone géographique.
  • Le « timbre-poste » : le tarif d’acheminement de l’électricité est le même pour tous, indépendamment de la distance parcourue par l’électricité.
  • La tarification en fonction de la puissance souscrite et de l’énergie soutirée : le TURPE est modulé à la hausse ou à la baisse en fonction de la puissance souscrite et de la tension de raccordement.
  • L’horo-saisonnalité : pour les professionnels et entreprises, ce principe correspond à la variation des tarifs en fonction des saisons, jours et heures.

Les différentes composantes structurelles du TURPE

Au-delà de ces principes, le TURPE est calculé à partir de deux éléments structurels : la structure tarifaire et le niveau :

  • La structure tarifaire : elle désigne la façon dont les coûts de réseaux sont affectés aux différentes catégories d’utilisateurs, au travers de chaque composante tarifaire. Il s’agit de répercuter à chaque utilisateur du réseau public les coûts qu’il génère en fonction de ses caractéristiques de consommation.
  • Le niveau : il désigne le revenu maximal que chaque gestionnaire de réseau est autorisé à percevoir chaque année. S’il n’est pas atteint, le TURPE est revu à la hausse l’année suivante. S’il est dépassé, le TURPE est revu à la baisse.

La structure tarifaire varie d’une période de TURPE à l’autre, soit tous les quatre ans. Le niveau est ajusté chaque année au 1er août, pour tenir compte de l’inflation, de l’évolution annuelle des coûts et de la régulation des charges et des produits des gestionnaires de réseau (CRCP). Ces derniers doivent justifier auprès de la CRE de l'augmentation de leurs coûts pour espérer bénéficier d’une hausse de tarif.

Les choix de la structure et du niveau du TURPE sont le fruit d’un travail collectif et d’un dialogue régulier entre la CRE, les gestionnaires de réseau et les utilisateurs. Les discussions s’articulent autour de plusieurs consultations publiques organisées pendant plusieurs mois, ponctuant le travail de construction du tarif.

Un tarif fixé par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE)

Le tarif du TURPE est proposé par la Commission de Régulation de l’Énergie pour une période de quatre ans. Il est publié au Journal Officiel après approbation du gouvernement.

Pour calculer le TURPE, les experts de la CRE procèdent en 4 étapes : 

  • Étape 1 : l’attribution à chaque heure d’utilisation des coûts subis par le gestionnaire de réseau. Ce coût est incrémental. Les experts attribuent un coût faible pour les heures peu consommatrices en puissance électrique, et un coût élevé aux heures les plus consommatrices.
Courbe de coût de réseaux réparti sur l’ensemble des heures
Courbe de coût de réseaux réparti sur l’ensemble des heures - Source : CRE

  • Étape 2 : la répartition du coût subi sur l’année. Sur chaque heure de l’année, le coût est dispatché de manière proportionnelle sur l’ensemble des réseaux concernés en fonction de leur utilisation respective, de la tension de raccordement et du seuil de puissance.

Répartition des puissances par réseau
Répartition des puissances par réseau – Source : CRE

Pour exemple, les utilisateurs de niveau HTB1 vont devoir payer pour un MW de puissance 83 % du coût unitaire du réseau HTB2 et 76 % du coût unitaire du réseau HTB3

  • Étape 3 : la répétition du processus. Les analystes réalisent ce process pour chaque heure de l’année, chaque type de client et chaque domaine de tension de raccordement.
  • Étape 4 : la construction des tarifs. La CRE construit les tarifs à proprement dit en sélectionnant la part puissance et la part consommation, et en appliquant la structure tarifaire et le niveau définis.
étapes du turpe
Source : ACER

Comment est facturé le TURPE ?

Le TURPE est payé par tous les consommateurs finals d’électricité, directement sur leur facture. Son calcul dépend du type de client et de son profil de consommation.

Une tarification unique pour tous

Pour les consommateurs résidentiels, ainsi que pour la majorité des professionnels et entreprises, le TURPE est intégré directement à la facture d’électricité. Les montants collectés par les fournisseurs d’énergie sont reversés dans leur intégralité aux gestionnaires des réseaux électriques, bénéficiaires du TURPE.

La part de la facture d’électricité correspondant à l’acheminement est identique quel que soit le fournisseur d’énergie.

Certaines entreprises paient le TURPE directement à leur gestionnaire de réseau, sans passer par le fournisseur. Ce sont les gros consommateurs d’électricité ayant conclu un contrat CARD (contrat d’acheminement sur le réseau de distribution) ou CART (contrat d’acheminement sur le réseau de transport).

Comment calculer le TURPE ?

Le TURPE est calculé à partir de plusieurs composantes tarifaires.

Pour les particuliers et entreprises disposant d’une puissance de compteur de 36 kVA maximum, trois composantes tarifaires sont prises en compte :

  • La composante annuelle de gestion (CG) : elle couvre les coûts de gestion clientèle supportés par les gestionnaires de réseau (gestion des dossiers, service clients, facturation, recouvrement et impayés).
  • La composante annuelle de comptage (CC) : elle couvre les coûts de gestion des compteurs électriques (relève, transmission des données, reconstitution des flux, maintenance...)
  • La composante annuelle de soutirage (CS) : elle couvre les charges d’exploitation et de capital liées aux infrastructures du réseau. Elle varie en fonction des options choisies (heures pleines/heures creuses, Tempo…) et de la puissance souscrite.

Pour les puissances supérieures à 36 kVA, le TURPE prend en compte d’autres composantes tarifaires, en fonction du profil de l’entreprise et des options :

  • La composante mensuelle des dépassements de puissance souscrite (CMDPS), en cas de dépassements de puissance non prévus.
  • La composante annuelle des dépassements de puissance programmés (CDPP), par exemple si l’entreprise dispose d’un compteur de charge et anticipe des travaux.
  • La composante annuelle de l’énergie réactive (CER) pour les sites utilisant à forte dose des équipements composés de circuits magnétiques.
  • La composante annuelle des injections (CI) pour les sites produisant de l’électricité photovoltaïque réinjectée dans le réseau public.
  • La composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours (CACS) pour les entreprises bénéficiant d’un réseau de secours.
  • La composante de regroupement (CR) pour les sites souhaitant regrouper les factures de leurs différents points de connexion au réseau public.

 

comment est calculé le turpe
Source : SirEnergies

Comment optimiser le TURPE ?

Le TURPE est un des éléments de la facture d’électricité sur lequel les entreprises peuvent agir pour réduire leur budget énergétique.

Entreprises : bien choisir sa version tarifaire

Chaque client professionnel doit opter pour une version tarifaire du TURPE pour son contrat d’électricité (courte utilisation - CU, moyenne utilisation - MU ou longue utilisation - LU).

Ce choix influence le coût de l’acheminement de l’électricité et du prix du kWh, en fonction du profil de consommation. Par exemple, une entreprise consommant de l’électricité régulièrement, quel que soit le moment de la journée, de la semaine ou de l’année a tout intérêt à choisir la version longue utilisation du TURPE.

Réaliser un calcul d’optimisation sur la base de l’historique des consommations électriques aide à déterminer la formule tarifaire d’acheminement (FTA) la plus adaptée pour son entreprise.

Entreprises : souscrire à la juste puissance

Lors de la souscription de son contrat d’électricité, l’entreprise doit également choisir la puissance souscrite nécessaire pour couvrir ses besoins de consommation. Surestimer cette puissance augmente le coût de la facture.

Une étude basée sur la courbe historique des consommations permet de tester toutes les combinaisons de puissance possibles jusqu’à identifier la plus pertinente. Il est possible de modifier la puissance souscrite à n’importe quel moment de la vie du contrat. La demande doit être formulée auprès du fournisseur d’énergie qui la transmet à Enedis ou à l’ELD locale.

Le saviez-vous ?

Cabinet de conseil en énergie, SirEnergies propose son expertise aux entreprises pour choisir la version tarifaire du TURPE et la puissance souscrite adaptées à leurs besoins, optimiser le montant de leurs factures d’électricité et réaliser des économies.

 

Quel TURPE s’applique en 2024 et quelle évolution pour 2025 ?

Le TURPE 6 est en vigueur depuis le 1er août 2021 et jusqu’au 1er août 2025. Après une augmentation moyenne de 6,51 % du TURPE HTA-BT et de 6,69 % du TURPE HTB en 2023, le TURPE devrait poursuivre sa hausse en 2024, avec un impact plus marginal sur la facture d’électricité. Une augmentation plus forte est attendue en 2025, avec l’entrée en vigueur du nouveau TURPE 7.  

La CRE a engagé fin 2023 les consultations publiques pour fixer les tarifs du futur TURPE 7, qui s’appliquera de 2025 à 2029. Les enjeux sont forts. 

D’une part, les réseaux publics d’électricité vieillissent, nécessitant des investissements de mise à niveau et de sécurisation. D’autre part, la transition énergétique exige d’évoluer vers un système électrique plus flexible.

Les infrastructures doivent être en capacité d’accueillir la production croissante d’électricité renouvelable et de répondre aux nouveaux besoins (mobilité électrique, électrification de l’industrie et du chauffage…)

Dans sa première consultation portant sur la structure tarifaire du TURPE 7, la CRE soumet par exemple la possibilité de faire évoluer les heures creuses et pleines. Parmi les pistes étudiées, la saisonnalité des heures creuses. Elles pourraient être augmentées l’été pour encourager la consommation lorsque la production d’électricité renouvelable est au plus haut.

Elles pourraient aussi être supprimées sur certaines plages horaires en hiver pendant lesquelles l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité est menacé.

La CRE étudie également la possibilité d’introduire une nouvelle tarification soutirage /injection pour les batteries afin de mieux exploiter les capacités de stockage au bénéfice du réseau.

Le défi s’annonce difficile. Il s’agit de déterminer un tarif équilibré de TURPE qui permettra de répondre aux besoins d’investissement sur les réseaux publics d’électricité, tout en maintenant un prix de l’électricité accessible pour les consommateurs. Les experts ont l’année 2024 pour résoudre l’équation.

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