+ 1,15 °C : c’est la différence de température mondiale moyenne en 2022 par rapport à la période préindustrielle. Au tribunal du réchauffement climatique, les gaz à effet de serre (GES) occupent le banc des accusés.
À leur tête, le dioxyde de carbone (CO2). Mais il n’est pas le seul responsable du réchauffement de la Terre. Six gaz à effet de serre ont été répertoriés officiellement par le protocole de Kyoto.
Quels sont ces gaz à effet de serre ? Quelles sont leurs sources d’émissions ? Comment l’activité humaine a-t-elle accéléré leur concentration dans l’atmosphère ? Quel est leur impact environnemental ?
Voici un tour d’horizon des principaux gaz à effet de serre :
Qu’est-ce que l’effet de serre ?
L’effet de serre est un phénomène naturel, indispensable à la vie sur Terre.
C’est au XIXe siècle que ce concept est théorisé par les physiciens et savants Joseph Fourier, Tyndall et Arrhénius.
Leurs travaux successifs aboutissent à la conclusion que la température de la Terre varie en fonction de la composition de l’atmosphère, et notamment de sa teneur en CO2.
Présents naturellement dans l’atmosphère, les gaz à effet de serre agissent comme les vitres d’une serre. Ils laissent passer les rayons du soleil en absorbant une partie de leur chaleur. Ils absorbent aussi les rayonnements infrarouges thermiques renvoyés par la surface terrestre et maintiennent une température favorable à la vie sur Terre. Sans l’effet de serre, la température serait de 30 °C inférieure, aux alentours de -18 °C.
Les scientifiques distinguent l’effet de serre naturel et l’effet de serre anthropique. Cet adjectif désigne l’effet de serre provoqué par l’activité humaine.
Quels sont les gaz à effet de serre ?
Trois gaz à effet de serre sont présents à l’état naturel dans l’atmosphère. D’autres gaz à effet de serre industriels n’existent que parce que l’homme les a fabriqués.
Les gaz à effet de serre naturels
Dioxyde de carbone (CO2)
Le dioxyde de carbone est le plus connu des gaz à effet de serre naturels. C’est lui qui sert d’étalon au niveau mondial pour mesurer les émissions de GES en équivalent CO2.
Le dioxyde de carbone est le gaz au pouvoir de réchauffement climatique (PRG) le moins élevé. Mais c’est celui qui est le plus présent dans l’atmosphère, depuis bien avant l’apparition de l’homme.
La respiration des êtres vivants et la décomposition de la biomasse sont des sources naturelles de CO2. Indispensable à la vie sur Terre, il est absorbé par les plantes pour effectuer leur photosynthèse. Puits de carbone naturels, les forêts et océans ont maintenu la stabilité de la concentration de CO2 atmosphérique pendant des millions d’années.
Méthane (CH4)
Le méthane est un des principaux composants du gaz naturel. Ce gaz se forme naturellement lors de la décomposition d’un déchet organique animal ou végétal, à l’abri de l’oxygène, sous la terre ou dans l’eau.
Le méthane est également produit par … les animaux ruminants. Les végétaux ingérés fermentent dans leurs estomacs et libèrent du méthane via leurs rots.
Si le méthane survit dix fois moins longtemps que le CO2 dans l’atmosphère, son pouvoir de réchauffement global (PRG) est 25 fois plus élevé.
Protoxyde d’azote ou oxyde nitreux (N2O)
Le protoxyde d’azote ou oxyde nitreux est un composé oxygéné de l’azote. Ses principales sources naturelles sont les sols et les océans. Quand ils se décomposent, les végétaux libèrent les substances azotées absorbées au cours de leur croissance.
L’oxyde nitreux est un puissant gaz à effet de serre. Son pouvoir de réchauffement global (PRG) est 298 fois plus élevé que celui du gaz carbonique et sa survie dans l’atmosphère est estimée à 120 ans.
Les gaz à effet de serre industriels
Les hydrofluorocarbures
Les hydrofluorocarbures (HFC) représentent 90 % des émissions de GES issues des gaz fluorés (F-Gas). Fabriqués par l’homme, ils sont utilisés pour le refroidissement, la réfrigération, les pompes à chaleur ou les aérosols. Ils ont été développés dans les années 1990 pour remplacer les substances destructrices de la couche d’ozone.
Mais aujourd’hui les hydrofluorocarbures (HFC) menacent le climat. Avec un pouvoir de réchauffement global (PRG) de l’ordre de 120 à 14 800 fois celui du CO2, ces gaz à effet de serre sont des polluants atmosphériques très puissants.
Les autres gaz fluorés
Trois autres gaz fluorés coexistent avec les HFC : les perfluorocarbures (PFC), l’hexafluorure de soufre (SF6) et le trifluorure d’azote (NF3).
On retrouve ces gaz dans les processus de production industrielle (perfluorocarbures et trifluorure d’azote) ou l’isolation des lignes électriques et les doubles vitrages (hexafluorure de soufre).
Quel est l’impact de l’activité humaine sur l’effet de serre ?
Les émissions des gaz à effet de serre naturels sont responsables de 90 % de l’effet de serre anthropique. Leur concentration dans l’atmosphère a fait un bond de géant depuis l’ère préindustrielle. La hausse est estimée par l’organisation météorologique mondiale (OMM) respectivement à 149 %, 262 % et 124 % pour le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d’azote.
Les émissions humaines de CO2
Les activités humaines ont déréglé le cycle naturel du dioxyde de carbone. Elles ont créé un déséquilibre entre des émissions de CO2 en hausse dans l’atmosphère et des capacités d’absorption des puits de carbone naturels en baisse. Le dioxyde de carbone est responsable de près de 65 % de l’effet de serre d’origine humaine.
Selon le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), les émissions mondiales de CO2 ont atteint un record historique en 2022, avec 36,8 milliards de tonnes (Gt). La combustion d’énergie est le secteur le plus émetteur de dioxyde de carbone, avec une augmentation des émissions de 423 millions de tonnes entre 2021 et 2022. L’industrie et l’agriculture suivent sur les deuxième et troisième marches du podium.
Les émissions humaines de méthane
60 % du méthane présent dans l’atmosphère est d’origine anthropique. Ce gaz est responsable de 15 % de l’effet de serre dû aux activités humaines.
Le méthane libéré dans l’atmosphère provient de l’élevage, de la combustion de matières organiques ou de la décomposition des ordures ménagères. Il est également dégagé lors de l’extraction, de la transformation et du transport des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel), et par les fuites sur les exploitations.
L’AIE estime que près de 350 millions de tonnes de méthane ont été émises dans le monde en 2022, dont 40 % d’origine agricole (142 millions de tonnes) et 38 % issues du secteur énergétique (133 millions de tonnes).
Les émissions humaines de protoxyde d’azote (N2O)
Le protoxyde d’azote a vu sa concentration dans l’atmosphère augmenter de 2 % en 150 ans. Ce gaz est responsable de 5 % de l’effet de serre anthropique et participe à la destruction de la couche d’ozone.
Les engrais azotés et les effluents d’élevage sont la principale source humaine de protoxyde d’azote. En 2021, 89 % des émissions françaises de N2O provenaient de l’agriculture. L’État s’est fixé pour objectif de les réduire de 15 % entre 2015 et 2030. La trajectoire annuelle de réduction a été définie par le décret du 26 décembre 2022, en application de la loi Climat et Résilience.
L’industrie chimique est la deuxième source d’émissions de protoxyde d’azote. Ce gaz est utilisé pour la production d’acides citrique et adipique. Dans une moindre mesure, il est émis par le traitement des eaux usées et la combustion de combustibles dans les secteurs des transports et de l’énergie.
Quel est l’impact environnemental des gaz à effet de serre ?
Le renforcement de l’effet de serre sous l’effet des activités humaines modifie les températures et bouleverse le climat, avec un impact environnemental parfois dramatique sur les écosystèmes et la biodiversité.
Réchauffement planétaire
Le réchauffement planétaire est l’impact environnemental le plus direct de l’augmentation de l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Elle renforce l’effet de serre naturel, avec pour conséquence un réchauffement climatique global de la planète.
2022 a été l’année la plus chaude depuis 1850 à l’échelle de la planète, avec une température mondiale moyenne supérieure de 1,15 °C à celle de la période préindustrielle. En France, l’écart de température entre 2022 et la moyenne enregistrée entre 1961 et 1990 est de + 2,7 °C.
Changement climatique et catastrophes naturelles
Canicules, inondations, sécheresse, orages de grêle, pluies diluviennes, incendies ravageurs… : les événements climatiques extrêmes ont été multipliés par 5 depuis 1970 sous l’effet du changement climatique.
Depuis 2015, la World Weather Attribution (WWA) travaille à établir les relations de cause à effet entre ces catastrophes et le réchauffement climatique. Le constat est implacable comme l’illustrent deux exemples récents.
Suite aux vastes incendies au Canada au printemps 2023, les chercheurs ont conclu que les conditions météorologiques extrêmes favorables aux feux de forêt avaient deux fois plus de probabilité de se produire sous l’effet du changement climatique. De même, ils observent que des inondations extrêmes comme celles survenues en Libye en septembre 2023 étaient devenues jusqu’à 50 fois plus probable et jusqu’à 50 % plus intenses qu’avec un climat plus frais de 1,2 °C.
Élévation du niveau de la mer
L’élévation du niveau de la mer est une des conséquences du réchauffement climatique. D’ici 2050, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) estime que le niveau de la mer devrait augmenter de 25 à 30 cm, soit autant que depuis 1880. Les conséquences pourraient être dramatiques pour certaines îles, deltas et zones côtières très basses.
Trois phénomènes expliquent l’accélération attendue de la montée des océans : la dilatation thermique de l’eau sous l’effet de la chaleur, la fonte des glaciers supérieure à la moyenne et la disparition des calottes glaciaires au Groenland et en Antarctique.
Conséquences sur les écosystèmes et la biodiversité
L’augmentation de la température et le changement climatique pourraient atteindre un seuil critique pour l’environnement et de nombreuses espèces animales et végétales. On observe déjà des perturbations des grands équilibres écologiques et un appauvrissement des terres.
20 à 30 % des espèces seraient menacées d’extinction. On observe déjà des modifications dans les déplacements des espèces animales, avec des migrations modifiées et la remontée vers le nord d’espèces parasites, invasives et vectrices de maladies.
Au niveau des océans, l’augmentation de l’acidité des océans perturbe les poissons et mammifères marins et menace les récifs coralliens et certains planctons et, au-delà, l’équilibre des écosystèmes.
Quelles sont les solutions pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre ?
Les gaz à effet de serre sont dans le viseur de la communauté internationale depuis le Protocole de Kyoto de 1997. Il a été renforcé en 2015 par l’Accord de Paris en 2015. Il engage les pays à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 43 % d’ici 2030 pour progresser vers le zéro émission nette.
L’Union Européenne et la France vont plus loin, avec l’objectif d’une réduction de 55 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Relever ce défi ambitieux exige une mobilisation de tous. Développement des énergies renouvelables, sobriété énergétique, efficacité énergétique, mobilité électrique décarbonée, production d’énergie bas carbone, décarbonation des usages, captage de CO2 dans l’air, etc : les stratégies nationales bas carbone s’appuient sur plusieurs piliers pour réduire les émissions de CO2 et de méthane dans l’atmosphère.
Les gaz fluorés sont aussi concernés par la lutte contre le réchauffement climatique. En octobre 2023, un accord européen a été trouvé pour les faire disparaître d’ici 2050. Le calendrier prévoit l’interdiction des hydrofluorocarbures dans les réfrigérateurs dès 2026 et dans certaines pompes à chaleur et systèmes de climatisation à partir de 2027.
Le développement des infrastructures bas carbone aurait évité l’émission de 550 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère en 2022. Mais l’effort mondial des pays reste à intensifier pour espérer préserver l’environnement et maintenir « l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels », objectif fixé par l’Accord de Paris.