Peut-on capturer tout le CO2 dans l’air ?

il y a un an   •   8 minutes de lecture

Table des matières

À chaque publication, le GIEC le martèle : l’urgence climatique est là. Sa principale manifestation ? La hausse de la température globale. La décennie 2011-2020 a été la plus chaude depuis 125 000 ans. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont le principal responsable de ce réchauffement climatique.

Et, malgré une décélération ces dernières années, elles continuent d’augmenter fortement. Selon le 6e rapport de synthèse du GIEC publié le 20 mars 2023, 56 GtCO2eq ont été émis en moyenne par an lors de la dernière décennie.

Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique global à 1,5 °C, une décroissance des émissions de gaz à effet de serre à partir de 2025 est indispensable pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La difficulté soulignée par le GIEC ? L’amélioration de l’efficacité énergétique n’arrive pas aujourd’hui à compenser l’augmentation globale de l’activité économique.

Dans ce contexte, comment réduire la concentration de CO2 dans l’atmosphère ? Pour le GIEC, il faut agir à deux niveaux. La réduction à la source des émissions de gaz à effet de serre reste une priorité.

Mais elle est aujourd’hui trop lente. Face à l’urgence climatique, les scientifiques appellent à développer en complément le captage du CO2 dans l’air.

Comment réussir cette prouesse technologique ? Les techniques de captage, de stockage et de réutilisation du CO2 existent déjà. Quelles sont-elles ? Quels sont leurs enjeux ? Quelles opportunités ouvrent-elles ?

Découvrez ces solutions d’avenir prometteuses pour accompagner la transition énergétique.

capture co2 dans l'air

Qu’est-ce que le captage du CO2 dans l’air ?

Définition

Comme son nom l’indique, le captage du CO2 dans l’air – encore appelé CSS pour Carbon Capture Stockage -, consiste à capturer les molécules de dioxyde de carbone dans l’air ou les fumées industrielles. L’objectif ? Les emprisonner à la source avant qu’elles ne soient rejetées dans l’atmosphère.

Le dioxyde de carbone capturé peut être stocké sous la terre, dans la roche, dans d’anciens gisements d’hydrocarbures ou de charbon ou dans les fonds océaniques à grandes profondeurs. Le CO2 peut aussi être transformé pour être réutilisé.

Le captage du CO2, un principe déjà ancien

Si le captage du CO2 a fait son grand retour dans l’actualité à la faveur de la sortie du dernier rapport du GIEC, des expériences sont menées depuis les années 1970. En Europe, le projet Castor lancé en 2004 visait déjà à développer des technologies pour capturer et stocker le CO2.

Aujourd’hui, une trentaine d’installations sont en activité dans le monde, principalement situées aux États-Unis. Elles permettent de capter 40 millions de tonnes de CO2 par an. Dans son scénario Net Zero Emission by 2050, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) vise un objectif de 7,6 GT de CO2 capturés chaque année à partir de 2050 grâce aux progrès des technologies de captage.

Comment capturer le CO2 dans l'air ?

Il existe aujourd’hui plusieurs méthodes de captage, de stockage et de réutilisation de CO2 (dites CCSU). Voici quatre de ces technologies en cours de test et d’expérimentation.

Photosynthèse artificielle

La photosynthèse, c’est le processus chimique par lequel les plantes utilisent l’énergie lumineuse pour transformer le dioxyde de carbone en substances organiques riches en énergie. Cette réaction s’accompagne de production d’oxygène rejetée dans l’atmosphère.

Des ingénieurs ont eu l’idée de transposer ce mécanisme naturel à l’industrie en développant des modules de photosynthèse artificielle. Ceux-ci captent le CO2 dans l’air et, par une réaction chimique utilisant l’énergie solaire, le transforment en produits chimiques réutilisables. Ils peuvent par exemple produire du polyéthylène utilisé dans la fabrication de matières plastiques, du méthane, des engrais azotés pour l’agriculture, ou encore du monoxyde de carbone pour la production de carburants comme l’éthanol.

Cette technologie encore naissante permet de transformer un gaz à effet de serre polluant en ressource. Elle pose néanmoins encore de nombreux défis aux équipes de chercheurs. Les expérimentations se poursuivent pour améliorer la robustesse, l’autonomie, les rendements et les coûts du système et l’appuyer sur des métaux abondants. Si cette méthode est porteuse d’espoirs, on est encore loin du procédé industriel déployable à grande échelle...

Absorption chimique

L’une des techniques de captage du CO2 consiste à le capturer directement dans les fumées industrielles où il est très concentré. Cela nécessite de séparer le dioxyde de carbone des autres composants (vapeur d’eau, oxygène, azote…).

La séquestration carbone industrielle
La séquestration carbone industrielle - Source : Hellocarbo

L’absorption chimique est la technique de captage postcombustion la plus connue. Elle consiste à extraire le CO2 des fumées grâce à un solvant chimique, le plus souvent des amines. Le dioxyde de carbone récupéré est comprimé, refroidi et liquéfié pour être emprisonné dans les couches profondes de la terre.

Cette technique de captage et de séparation du CO2 est utilisée depuis des décennies dans l’industrie, notamment pour le traitement du gaz naturel. Très efficace, elle permet de capter plus de 90 % du gaz carbonique émis. Si le GIEC estime que « la postcombustion par absorption est technologiquement prête à passer à l’échelle industrielle », elle nécessite néanmoins des installations coûteuses et grandes consommatrices d’énergie.

Bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECCS)

La bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECCS) consiste à capturer et stocker le dioxyde de carbone émis par la production d’énergie issue de la combustion ou de la fertilisation des matières organiques composant la biomasse.

Prenons un exemple : le bois-énergie. Dans ce modèle, des arbres sont brûlés afin de produire de l’énergie. Le CO2 émis par la combustion est capturé et stocké par séquestration dans le sol. Dans cet exemple, la BECCS est reconnue comme une technologie à émissions négatives (NET) car le CO2 absorbé par les arbres pendant leur croissance compense le CO2 émis par la production d’énergie.

La bioénergie avec captage et stockage du carbone pose cependant la question de l’utilisation des terres. Selon le GIEC, déployée à grande échelle, elle nécessiterait l’utilisation de 25 à 40 % des terres arables dans le monde, au détriment de la sécurité alimentaire.

Captage direct de l'air (DAC)

Le captage direct de l’air – ou Direct Air Capture (DAC) – consiste à capturer le CO2 dans l’atmosphère.

Captage direct de l'air (DAC)
Source : L'Usine Nouvelle

Il existe deux techniques. Le système DAC liquide consiste à "laver" l’air grâce à une solution chimique. Celle-ci élimine le CO2. L’air nettoyé est libéré dans l’atmosphère. Le système DAC solide utilise des filtres qui absorbent le dioxyde de carbone.

Sous forme concentrée, il est capté pour être stocké ou réutilisé. 18 installations à petite échelle exploitent ce procédé dans le monde pour des usages directs comme la fabrication de boissons gazeuses.

Du fait de la dilution du dioxyde de carbone dans l’air, le captage direct reste néanmoins un procédé coûteux et énergivore.

Les enjeux économiques et environnementaux liés au captage du CO2 dans l'air

Si le captage du CO2 présente des perspectives prometteuses, son industrialisation à grande échelle nécessite néanmoins de lever plusieurs freins financiers, environnementaux et énergétiques.

Coûts et financements nécessaires pour la mise en place de technologies de captage du CO2 dans l'air

Capter, stocker et/ou valoriser le CO2 représente des coûts d’investissement et de fonctionnement encore élevés. Le GIEC estime qu’installer un système de CCS sur une centrale à charbon ou à gaz implique un surcoût important, dû à l’augmentation de 13 à 44 % de carburant nécessaire pour produire la même quantité d’électricité.

Aujourd’hui émettre des gaz à effet de serre reste moins coûteux pour les industriels que d’investir dans une installation de captage de dioxyde de carbone. Sur le système d’échange européen, le prix moyen du quota d’émission carbone (équivalent à une tonne de CO2 ou équivalent CO2) s’élevait à 80 euros fin 2022.

En comparaison, l’investissement dans le captage du dioxyde de carbone est estimé entre 50 et 180 euros par tonne de CO2 capté. Il peut monter jusqu’à 1 000 euros dans le cas des systèmes de capture direct dans l’air (DACCS).

Le financement du captage du CO2 dans l’air nécessite de s’interroger sur le rôle du secteur privé et des pouvoirs publics pour inverser la tendance et rendre les investissements dans la transition énergétique plus favorables que le statu quo.

Impacts environnementaux liés aux différentes méthodes de captage du CO2 dans l'air

Le captage du CO2 pose une question fondamentale : où et comment stocker le gaz capturé et non valorisé sans créer de dommage à l’environnement ?

L’AIE répond à cette question dans son rapport publié en 2020. D’après l’agence internationale, la capacité de stockage terrestre et maritime est garantie sur le long terme en utilisant les anciens gisements d’hydrocarbures et les aquifères salins profonds. À eux seuls, ces réservoirs marins représentent de 400 à 10 000 gigatonnes de stockage.

Au total, la capacité de stockage est évaluée entre 8 000 et 55 000 gigatonnes, ce qui laisse de la marge par rapport à l’objectif des 7,6 gigatonnes à capturer chaque année à partir de 2050.

La difficulté réside dans la fiabilité du stockage. Le défi à relever ? Garantir la séquestration du carbone sur des milliers d’années pour respecter les cycles océanique et terrestre.

Les avantages économiques et environnementaux à long terme du captage du CO2 dans l'air

Au vu des défis financiers et énergétiques à relever, le captage du CO2 dans l’air peut sembler une utopie défendue par quelques chercheurs et ingénieurs. Il fait néanmoins l’unanimité au sein du GIEC ou de l’AIE et intéresse des investisseurs comme Elon Musk et Bill Gates. Pourquoi ? Parce qu’à long terme, cette technologie porte de nombreuses promesses.

D’un point de vue environnemental, l’AIE estime qu’à l’horizon 2060, ces technologies permettraient de réduire de 15 % les émissions de gaz à effet de serre issues des énergies fossiles. Cette perspective en fait un atout indispensable dans une stratégie mondiale de lutte contre le changement climatique.

La valorisation du CO2 offre aussi des opportunités économiques et industrielles séduisantes. À long terme, les techniques de captage et de valorisation du dioxyde de carbone offriront aux entreprises engagées un véritable avantage compétitif tant au niveau économique, technologique qu’environnemental, avec la capacité de produire des produits à forte valeur ajoutée (carburant de synthèse, fertilisant, matériaux de construction,...)

Les perspectives d'avenir du captage du CO2 dans l'air

Le captage du CO2 dans l’air, son stockage et sa valorisation sont des technologies émergentes, porteuses d’espoir pour la planète, mais aussi porteuses de promesses industrielles et financières.

Certes, il reste de nombreux défis à relever pour les porter à maturité. Aujourd’hui, de nombreuses recherches et expérimentations sont lancées dans le monde entier.

Les ingénieurs et chercheurs rivalisent d’ingéniosité pour faire progresser les techniques de captage et de valorisation du CO2. L’objectif ? Gagner en efficacité, fiabilité, en économie d’énergie et en compétitivité.

Pour ne citer que l’Europe, les progrès sont en cours à travers des projets expérimentaux. En Islande, le projet CarbFix teste la transformation du CO2 en carbonates minéraux pour fabriquer des matériaux de construction.

À Dunkerque, le pilote industriel « 3D » a démarré en 2022. Soutenu par l’Union Européenne, ce projet consiste à valider les performances du captage de CO2 sur les fumées industrielles. Dans le domaine de la photosynthèse artificielle, les chercheurs travaillent à trouver des catalyseurs plus performants et à rendre les modules plus autonomes grâce à l’énergie renouvelable solaire.

Le défi : passer de la phase de construction de pilotes industriels à l’industrialisation à grande échelle.

Les entreprises de toutes tailles peuvent participer à relever ce défi en investissant dans les technologies de captage de CO2. Investir dans ces technologies, c’est contribuer à les faire gagner en maturité. C’est lutter concrètement contre le changement climatique. C’est s’engager dans la transition énergétique.

Investir dans le captage de CO2, c’est investir dans un avenir durable et responsable.

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