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Virginie

LEFÈVRE

Rédactrice Sirenergies

Experte de l'énergie depuis 15 ans
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Métaux et terres rares : la partie invisible de la transition énergétique

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Environnement

Métaux et terres rares : la partie invisible de la transition énergétique

January 23, 2024

7

min de lecture

Le dernier rapport du GIEC nous interpelle sur l’épuisement des ressources planétaires. En effet, lorsqu’il est question d’énergie renouvelable et de batterie, il est souvent question de terres rares ou d’autres matériaux. En dépit du fait que ces moyens de production n’utilisent pas d’énergie fossile pour fonctionner, leurs constructions nécessitent tout de même l’utilisation de ressources finies.

La transition énergétique nécessite une augmentation du nombre de centrales photovoltaïques ou la création de piles à combustible pour l’hydrogène.

La mobilité électrique va également connaître un essor important. Ainsi l’utilisation de lithium, de cobalt ainsi que de nickel va forcément croître. Ces ressources ne sont pas infinies et posent des problèmes différents.

L’utilisation élargie de batterie, ainsi que de moteurs électriques nous interroge sur la disponibilité de ces ressources sur le long terme, principalement en périodes d’instabilité politique.

Les terres rares, comme nous le verrons, posent également d’autres questions sur leur utilisation, pourtant nécessaire, sur le long terme.

Quelles sont les ressources naturelles essentielles à la transition énergétique ?

Métaux rares, précieux ou abondants ? Quelques définitions

Tout d’abord, il est important de classifier les métaux dont il est question. Il existe plusieurs catégories de ressources naturelles :

  • Les métaux précieux : l’or, l’argent, le palladium, etc. Très rares et très coûteux.
  • Les métaux rares et pas forcément abondants dans la croûte terrestre : le cuivre, le nickel, le cobalt…
  • Les métaux de base : le fer, l’aluminium, le zinc…

Vous l’aurez compris, ces métaux ne sont pas équivalents en termes d’abondance sur terre. On peut mesurer l’abondance d’un métal grâce à l’indice PPM (part par million). Pour donner une idée des différences qui existent entre ces métaux, l’indice PPM de l’or est inférieur à 1 PPM tandis qu’il est de plus de 1 000 PPM pour le fer.

Il ne faut pas confondre métaux et terres rares. En effet, les terres rares portent ce nom car il s’agit d’un ensemble de métaux qui, lorsqu’ils furent découverts, étaient difficiles à extraire. Cependant, ils sont présents en abondance, de manière homogène sur la surface planétaire. Ils sont aujourd’hui importants dans la construction de matériels informatiques ou encore dans les technologies de l’éolien.

Enfin, il existe ce qu’on appelle des métaux de spécialité, très spécifiques à une industrie. Leurs évolutions peuvent connaître des rebonds inattendus. Les métaux de l’énergie nucléaire sont un bon exemple.

Le cuivre, la clé de voûte du système électrique

Le cuivre est l’élément essentiel d’un système électrique. En effet, il s’agit d’un métal qui est présent depuis les bobines du générateur, jusqu’à la prise qui arrive dans votre domicile.

Il s’agit du conducteur qui présente le meilleur rapport qualité/prix/efficacité. Les atomes de cuivre disposent d’assez d’électrons libres pour faire transiter le courant.

Voici une liste non exhaustive des usages du cuivre aujourd’hui dans le monde de l’électricité :

  • Les moteurs industriels
  • Les lignes de courant
  • Les piles à combustible (hydrogène)
  • Les transformateurs électriques
  • Les véhicules électrifiés

La transition énergétique doit passer par une électrification de nos procédés pour progressivement s’affranchir des énergies fossiles.

Les millions de kilomètres de lignes électriques installés dans le monde utilisent du cuivre. Plusieurs études montrent que les réserves connues de cuivre aujourd’hui arrivent à épuisement avant 2050.

Le cobalt, le nickel et le lithium dans la transition énergétique

La transition énergétique va accentuer l’utilisation des technologies du solaire photovoltaïque. Mais également de batterie, de véhicules électriques, etc.

Métal rare : le cobalt

Le cobalt est un métal qui a des propriétés très intéressantes car il conserve ses capacités magnétiques et de résistance sous des températures très élevées. Il est donc très utile dans des domaines tels que l’aérospatial, les batteries ou l’industrie chimique.

Le cobalt est extrait à 98 % des mines de cuivre ou de sel. Il s’agit donc d’un « sous-produit » de ressources existantes. Il n’existe qu’une seule mine au monde (Maroc) qui a fait du cobalt son minerai principal.

Il existerait près d’une centaine de millions de tonnes de cobalt enfouies dans les fonds marins. Leur exploitation paraît hautement improbable pour le moment.

Métal rare : le nickel

Le nickel est une ressource présente de manière relativement homogène sur la surface du globe. Il en existe deux différents types : latérite ou sulfure.

Le type latérite est plus simple à exploiter, c’est donc dans un premier temps celui qui fut utilisé en priorité.

Il existe ensuite différentes classes de nickel, et la classe 1 de nickel est largement répandue dans les batteries. Il est également utilisé dans l’industrie de l’acier, ce qui tend à augmenter la pression sur les exploitations.

Les États-Unis et l’Europe ont exclu le nickel de la liste des 35 métaux critiques à surveiller avec grande attention, cependant de nombreuses entreprises américaines telles que Tesla ont déjà alerté sur une possible pénurie de nickel de classe 1 d’ici 2025.

Métal rare : le lithium

Dans tous les scénarios de transition, le lithium tient une place importante. L’augmentation exponentielle de la flotte de véhicules électriques et du lithium-ion nécessaire entraîne cette tendance. Mais les batteries sont présentes dans de nombreuses installations tertiaires ou industrielles.

La répartition géographique du lithium n’est pas du tout homogène. Le Chili, l’Argentine et la Bolivie représentent à elles seules plus de 60 % des réserves mondiales.

La Chine, qui ne détient que 7 % des réserves mondiales, s’est spécialisée dans toutes les chaînes d’exploitation de cette ressource stratégique pour l’avenir énergétique mondial.

Quels sont les risques d’une pénurie de ces ressources naturelles ?

La guerre des métaux rares

Comme nous l’avons vu, les ressources minières ne sont pas homogènes dans leur répartition à travers le globe. Certains pays disposent donc de ressources considérables, à échanger selon leurs propres politiques.

Un des exemples les plus criants de ce risque reste la République démocratique du Congo. En effet, ce pays est en proie à l’instabilité politique depuis de nombreuses années mais dispose de plus de 70 % des ressources de cobalt dans le monde.

Cette instabilité politique conduit à une exploitation dangereuse de ce minerai.

Augmentation de la volatilité et de la tension sur le marché du Nickel suite au conflit russo-ukrainien - Source : LME

Augmentation de la volatilité et de la tension sur le marché du Nickel suite au conflit russo-ukrainien - Source : LME

Le fait qu’un État soit souverain dans l’exploitation de ces ressources nous fait redouter d’âpres négociations à venir. Nous allons tenter de prendre deux exemples d’actualité afin d’illustrer le propos.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie met en lumière la relation étroite entre ressource et géopolitique.

En effet, aujourd’hui, la Russie produit près de 40 % du palladium mondial. C’est également l’un des acteurs principaux de la production de nickel. Il est tout à fait probable d’assister à une réduction drastique des exportations de ce pays dans les semaines/mois à venir.

L’entreprise European Lithium devait à ce titre exploiter un nouveau gisement important de lithium se situant au Donbass, dans la ville de Shevchenkivske. L’exploitation de ce gisement aurait hissé ce groupe au rang de premier producteur de batteries lithium-ion.

C’est dire l’importance des relations diplomatiques que la France va entretenir avec l’ensemble des pays producteurs de ressources naturelles essentielles à la transition énergétique.

Un besoin de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur

Au-delà de la localisation des ressources naturelles, la chaîne de production est stratégique. Aujourd’hui, la Chine a fait en sorte de devenir le producteur le plus important au monde de transformation de ces métaux.

Il faut donc se méfier d’un acteur qui ne dispose pas forcément de ressources importantes, mais maîtrise une technologie d’extraction ou de raffinement. Pour vérifier la concentration des concurrents sur un marché, nous pouvons utiliser l’indice d’Herfindahl-Hirschman (HHI).

Il est intéressant de regarder cet indice sur deux objets différents sur les marchés des métaux : d’une part les réserves, puis d’autre part la production.

indice HHI

On constate donc que le lithium, le cobalt ou les terres rares sont des marchés hyperconcentrés, avec quelques acteurs dominants. Cinq acteurs se partagent l’intégralité du marché du lithium, par exemple, un groupe chilien, deux groupes chinois.

Certains pays tels que l’Australie (l’un des plus grands pays détenteurs de réserves) envoient 80 % de leur production minière afin qu’elle y soit raffinée par la Chine.

Le Chili, qui produit également des quantités considérables, laisse le raffinage au Japon, à la Corée du Sud et à la Chine. « Pékin contrôle ainsi via ses différentes sociétés 50 % et 89 % de la production de lithium raffiné au niveau mondial » selon les experts IFPEN.

Pourquoi certains métaux sont-ils devenus rares ?

Au-delà de conflits armés, il est certain de voir diminuer les ressources de ces métaux précieux. Il existe de nombreuses études sur le sujet mais tout n’indique pas les mêmes données.

Comme expliqué précédemment, la demande en cuivre va augmenter. Selon les travaux de l’Institut français du pétrole, il est probable d’atteindre entre 78,3 % et 89,4 % d’épuisement total des ressources connues de cuivre en 2010, à horizon 2050.

ressources métaux précieux

Modélisation des réserves mondiales de cuivre - Source : ADEME

Il existe également des théories qui évoquent un « peak Oil » qui serait déjà dépassé. Il en va de même pour le cuivre.

Il est possible de trouver de nouveaux gisements, notamment dans les fonds marins. Cependant, la réalité économique et technique nous pousse à croire que ces gisements ne seront exploités (s’ils sont exploités un jour) que dans plusieurs décennies.

Les métaux risquent de représenter l’enjeu majeur du secteur de l’énergie dans les décennies à venir. La transition énergétique imaginée en Occident risque de créer des perturbations importantes au niveau géologique d’une part, mais également d’un point de vue géopolitique.

L’étude des réserves mondiales va à ce titre prendre autant de place dans la R&D que les technologies d’extraction ou de production.

Les tensions géopolitiques nous poussent aussi à croire fortement en l’indépendance énergétique des États.

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à lire notre sujet concernant les sources d’énergie non exploitées à ce sujet.

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Par Emmanuel Sire, co-fondateur de Sirenergies

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