Chaque année, la consommation mondiale d’énergie primaire bat le record de l’année précédente.
En 2023, elle a atteint 620 Exajoules, soit une augmentation de 2 % par rapport à 2022. En 50 ans, la hausse de 320 % est colossale, avec des conséquences dramatiques sur l’environnement, le climat et la biodiversité.
Dans ce contexte d’urgence, toutes les énergies renouvelables et bas-carbone doivent s’unir pour remplacer les énergies fossiles et construire un mix énergétique plus durable. Au côté du solaire, de l’éolien, de l’hydroélectricité, de la biomasse et de l’hydrogène, de nombreuses ressources énergétiques sont encore peu, ou pas, exploitées.
Quelles sont ces sources d’énergie inexploitées et encore peu connues ? Quelles sont leurs promesses ? Où en sont les recherches ?
Tour d'horizon.
Les poudres métalliques : une énergie renouvelable en devenir ?
L'idée de produire de l'énergie grâce à la combustion de certaines poudres métalliques enchante de plus en plus les scientifiques spécialisés. Si sous leur forme solide et agglomérée, les métaux font de bien mauvais combustibles, les choses changent quand ils sont réduits à l'état de poudre. L'enjeu principal est de trouver un métal à forte densité énergétique qui se laisse manipuler facilement et de manière sécurisée.
Le fer, une alternative énergétique prometteuse
La poudre de fer se présente aujourd'hui comme un vecteur d'énergie prometteur. Le principe est simple : en brûlant, la poudre de fer dégage de la chaleur qui peut être utilisée directement ou transformée en électricité.
Cette énergie renouvelable attire l'intérêt en raison de ses nombreux atouts : son excellente stabilité, sa capacité à dégager d'énormes quantités de chaleur en brûlant et sa sécurité de transport et de stockage.
Des premières expérimentations viables
Les premières applications de l’utilisation de la poudre de fer comme combustible énergétique sont industrielles. Les projets pilotes menés aux Pays-Bas en témoignent.
En octobre 2020, des chercheurs de l'Université de technologie d'Eindhoven ont installé avec succès un système de chauffage industriel à base de poudre de fer dans une brasserie du groupe Swinkels Family Brewers. Utilisée comme carburant industriel, cette source d'énergie atypique alimente la production moyenne de 15 millions de verres de bière par an.
Les expérimentations se poursuivent en 2024, avec le soutien de l’État néerlandais. Le leader européen des services multi-techniques SPIE a lancé une étude pilote avec le laboratoire de recherche Metalot. L’objectif ? Prouver l’efficacité de la poudre de fer pour alimenter un procédé thermique industriel de 200 kW. Si les résultats sont concluants, cette innovation pourra être déployée à plus grande échelle pour le chauffage urbain, les processus industriels et la production d’électricité.
La poudre de fer, une ressource abondante
Le fer est l'un des éléments les plus abondants sur Terre. Ce métal est le quatrième le plus abondant dans la croûte terrestre. Il représente plus de 5 % de la composition des roches. Les réserves sont donc assez importantes pour permettre une exploitation à long terme.
La poudre de fer, une énergie renouvelable
Les émissions directes de gaz à effet de serre générées par la combustion de la poudre de fer sont quasi nulles. La réaction ne libère aussi que des quantités infimes d’oxydes d’azote (Nox). La rouille obtenue après la combustion est retransformée en fer propre, de nouveau brûlé pour produire de la chaleur, dans un cycle vertueux.
En tant que ressource énergétique, la poudre de fer possède ainsi une empreinte carbone zéro et est recyclable à l'infini.
L'énergie des vagues : un potentiel enfin reconnu ?
Même si elles ne sont pas encore bien exploitées, les ressources énergétiques fournies pas les océans possèdent un potentiel très intéressant.
L’énergie houlomotrice ou l’énergie des vagues
L'énergie houlomotrice désigne la conversion de la force du mouvement de la houle (oscillations de l'eau sous l'effet du vent à la surface) en énergie mécanique. L'énergie des vagues est utilisée pour mettre sous pression un fluide hydraulique, ce qui engendre de la puissance mécanique pour actionner les turbines électriques.
Avec 1 watt/m²/an, la quantité d'énergie obtenue à partir de la houle est toutefois assez faible. Pour comparaison, l'énergie solaire produit en moyenne 200 Watts/m²/an.
Mais l'immensité de la superficie exposée aux mouvements du vent compense cette faiblesse énergétique. L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) estime le potentiel théorique annuel mondial entre 8 000 et 80 000 TWh d’électricité.
Une accélération des investissements
En phase d’expérimentation, caissons flottants articulés, plateformes à déferlement, colonnes d'eau, oscillateurs sous-marins ou encore débordements de chenal n’ont pas encore atteint leur maturité technologique. Jusqu’alors les coûts élevés freinaient le développement cette l’énergie au rendement jugé trop faible. Mais les mentalités évoluent face à l’urgence climatique.
En 2024, une cinquantaine de projets sont recensés dans le monde, principalement en France, au Royaume-Uni ou en Australie. Au Portugal, l’Union Européenne soutient la construction de la première centrale houlomotrice commerciale à grande échelle d’une puissance de 1 MW. Les États-Unis accélèrent aussi avec l’annonce d’un plan d’investissements de plus de 100 millions de dollars dans l’énergie houlomotrice.
L'énergie thermique des mers : une ressource énergétique infinie ?
Encore appelée « Ocean Thermal Energy Conversion », l’énergie thermique des mers fait partie des énergies marines les moins connues et exploitées. Pourtant son potentiel mondial pourrait atteindre 10 000 Twh/an selon l’AIE.
La mer, une source d’énergie illimitée
L’énergie thermique des mers (ETM) ou énergie maréthermique exploite la différence de température entre les eaux de surface et les eaux de profondeur pour produire de l'électricité. Grâce à un échange de chaleur, de l'énergie électrique est obtenue grâce à des ensembles thermoélectriques par le biais de l'effet Seebeck.
Le gradient thermique entre les eaux de surface et profondes doit également équivaloir au minimum à 20 degrés Celsius. C’est pourquoi les centrales maréthermiques sont idéalement implantées dans les zones où la profondeur des eaux atteint 1 000 mètres.
L’énergie maréthermique, une énergie renouvelable
L’énergie maréthermique propose un bon bilan écologique. Les émissions de gaz à effet de serre d’une centrale ETM serait 100 fois moindre que celles d’une centrale thermique.
C’est aussi une énergie prévisible et disponible de manière permanente durant toute l'année. En mer, ce sont près de 60 millions de kilomètres carrés qui sont exploitables à l’infini.
Les freins à l’énergie thermique des mers
Les conditions physiques restreintes limitent les zones d’exploitation de l’énergie thermique des mers. Elles ne se rencontrent que dans les zones intertropicales.
L’énergie maréthermique se heurte aussi aux mêmes difficultés que l’énergie des vagues, avec un faible rendement énergétique et des coûts d’investissement et d’exploitation élevés.
Pour la grande majorité, les projets en la matière en sont toujours à l'étape de recherche et développement. Après l’arrêt des projets français en Martinique et à la Réunion, seules deux centrales ETM fonctionnent dans le monde, à Hawaï et au Japon. En Europe, un projet ambitieux est porté par sept entreprises européennes aux Îles Canaries. Lancée en 2024, la construction du prototype vise à démontrer la capacité à produire de l’électricité en continu grâce à la mer.
L'énergie osmotique : la source d’énergie du futur ?
Découverte dès les années 1950 mais encore sous-exploitée, l’énergie osmotique pourrait progressivement prendre sa place dans le mix énergétique mondial. C'est potentiellement entre 1000 et 2000 gigawatts qui pourraient être produits chaque année au niveau mondial, soit la production de 1000 à 2000 centrales nucléaires.
Produire de l’électricité grâce à l’osmose
Encore appelée énergie de dilution, l’énergie osmotique est obtenue en jouant sur la différence de potentiel salin entre l'eau douce et l'eau de mer. Séparés par une membrane semi-perméable, les atomes contenus dans l’eau douce sont attirés par l’eau concentrée en sel. C’est le phénomène d’osmose. Leur déplacement vers l’eau salée créé une pression dite osmotique. L’énergie transmise par cette pression (équivalente à une chute d'eau de 120 mètres au niveau d'un barrage hydroélectrique) est utilisée pour actionner une turbine et produire de l'électricité.
On distingue aussi l'électrodialyse inversée qui fait charger positivement une solution et négativement l'autre, pour générer un courant électrique grâce à la différence de charge.
Cette énergie osmotique est exploitable à toutes les embouchures de fleuves, là où se rencontrent les eaux douces et salées.
L’énergie osmotique, une première mondiale en France
L'énergie de dilution est non intermittente, avec une production continue d'électricité et une empreinte carbone très faible. Mais elle exige des investissements techniques considérables.
Pour l’utiliser à l’échelle industrielle, les recherches se poursuivent pour améliorer les performances des membranes osmotiques.
C’est en France à Port-Saint-Louis-du-Rhône que se construit la première centrale osmotique à grande échelle dans le monde. Les essais ont démarré en 2024. Portée par l’entreprise Sweetch Energy, la Compagnie nationale du Rhône et EDF Hydro, cette centrale osmotique pourrait produire jusqu’à 4 térawatt-heure par an, soit la consommation d’électricité de deux millions d’habitants.
L’énergie nucléaire : vers la source d’énergie idéale ?
L’énergie nucléaire représente environ 10 % de la production d’électricité mondiale. Deux procédés peuvent être utilisés : la fission nucléaire ou la fusion nucléaire. Au niveau des deux modes, toutes les possibilités n'ont pas encore été complètement explorées.
L'énergie nucléaire à base de thorium
La réaction de fission consiste à casser des noyaux atomiques lourds sous l'impact d'un neutron. Cette réaction s’accompagne d’un fort dégagement de chaleur, transformée pour produire l’électricité nucléaire.
De manière habituelle, les centrales nucléaires utilisent l'uranium 235 ou le plutonium 239. Mais le thorium 232 attire l'intérêt des chercheurs depuis plusieurs années. Son principal atout ? Générer plus de matière fissile qu’il n’en consomme. Également, son cycle ne libère pas de gaz à effet de serre ni de déchets radioactifs. Quatre fois plus abondant que l'uranium sur Terre, ce combustible nucléaire permettrait alors une exploitation durable.
Le développement de cette filière exige cependant des investissements financiers et techniques importants. Disposant des plus grandes réserves mondiales, l’Inde mise sur le thorium, avec la construction d’un premier prototype de réacteur avancé à eau lourde. La Chine suit de près avec la délivrance en 2023 d’un permis d’exploitation pour un réacteur nucléaire expérimental au thorium à sel fondu.
La fusion nucléaire, la source d’énergie parfaite ?
La fusion nucléaire est à l’origine de l’énergie produite par les étoiles et le soleil. L’union de deux noyaux légers en un noyau unique et lourd libère l’énorme quantité d’énergie. Les scientifiques cherchent à reproduire cette réaction afin de produire une énergie illimitée, propre, incroyablement puissante et à un coût accessible.
L'idée est de contrôler la fusion de deux noyaux légers de deutérium et de tritium. Pour cela, il est possible d'utiliser une réaction lente par confinement magnétique ou une réaction rapide par confinement inertiel au laser.
Une avancée significative majeure a été réalisée début 2024 avec la première fusion nucléaire en laboratoire. Mais le chemin est encore long avant de pouvoir envisager la production d’électricité par fusion nucléaire. Cette réaction exige de pouvoir maintenir les plasmas au cœur des réacteurs à des températures élevées sur des périodes longues. Ces dernières années, les records se multiplient, marqués en 2021 par le maintien par un tokamak chinois de la température du plasma à 70 millions de degrés pendant plus de 17 minutes.
Bioluminescence de certains êtres vivants, piézoélectricité, géothermie, fusion nucléaire, énergie osmotique, énergie moléculaire, valorisation de la chaleur fatale… : de nombreuses ressources énergétiques, renouvelables ou bas-carbone sont encore trop peu exploitées dans le monde. Si elles doivent encore surmonter des obstacles techniques et financiers majeurs, ces sources d’énergie novatrices et porteuses d’espoir offrent la promesse d’un avenir énergétique plus durable