Énergie hydraulique : quel avenir pour la houille blanche ?

il y a un an   •   8 minutes de lecture

Table des matières

Avec 44,4 TWh produits en 2022, l’hydroélectricité est la deuxième source d’électricité en France. Elle est aussi la première source d’énergie renouvelable.

Fin 2022, l’énergie hydraulique représentait 10,9 % de la production d’électricité nationale, loin derrière le nucléaire avec ses 68,4 %, mais devant les autres énergies renouvelables (éolien, solaire, bioénergies...).

Issue de la force de l’eau, l’énergie hydraulique est une énergie renouvelable à faibles émissions de gaz à effet de serre et aux coûts de production réduits. Ces avantages semblent en faire une énergie incontournable pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Pourtant, ces dernières années, la « houille blanche » a montré quelques limites. Est-ce une énergie d’avenir ou du passé ? Quels sont ses atouts et ses enjeux ? Comment peut-elle s’inscrire dans la transition énergétique ? Éclairage.

barrage hydraulique

Comment fonctionne l’énergie hydraulique ?

Centrale au fil de l’eau, centrale de lac, petite centrale hydraulique, STEP (station de transfert d’énergie par pompage)... : ces différents types d’installations hydroélectriques se distinguent par leur puissance et leur potentiel de production. Mais elles partagent toutes un point commun : utiliser la force de l’eau pour produire de l’énergie électrique.

Principes de base de l’énergie hydraulique

L’énergie hydraulique utilise l’énergie cinétique créée par les mouvements de l’eau pour produire de l’énergie. Elle exploite des mouvements naturels comme les courants ou les chutes d’eau, ou les dénivelés artificiels créés par l’homme. Plus la différence de hauteur entre l’aval et l’amont de la centrale est grande, plus la pression de l’eau est élevée et plus la capacité de production augmente.

Contrairement à l’éolien et au solaire, l’hydroélectricité offre des capacités de stockage d’énergie immédiatement transformable en électricité sans perte de rendement. Elle joue ainsi un rôle majeur dans la régulation de la production et de la distribution d’électricité.

Les composants clés d'un système d'énergie hydraulique

Turbines hydrauliques

Le système d’énergie hydraulique repose sur les turbines. Celles-ci sont actionnées par les mouvements de l’eau. Plus la pression et la vitesse de l’eau sont grandes, plus les turbines hydrauliques tournent vite.

L’énergie cinétique est transformée en énergie dite mécanique. Celle-ci peut être utilisée directement, comme dans le cas des moulins à eau de nos ancêtres, soit transformée en énergie électrique.

Alternateur ou génératrice

C’est l’alternateur ou la génératrice qui transforment l’énergie mécanique en énergie électrique. Le courant électrique passe ensuite par un transformateur pour adapter la tension aux usages domestiques et permettre le transport de l’électricité dans le réseau.

Réservoir et conduites

Certaines centrales hydroélectriques sont équipées d’un barrage. Son rôle : retenir l’eau. Celle-ci est libérée à la demande via un système de vannes, et orientée vers les turbines via des conduites.

Installations puissantes avec de forts dénivelés, les centrales de lac permettent de réguler rapidement la production d’électricité en fonction des besoins de consommation.

À l’inverse, les centrales au fil de l’eau et les petites centrales hydrauliques ne possèdent pas de réservoir de stockage. L’eau s’écoule naturellement pour une production d’électricité en continu.

Quels avantages à utiliser l’énergie hydraulique ?

Énergie renouvelable et propre, l’électricité hydraulique présente de nombreux avantages environnementaux. Produite localement, elle participe au développement économique des territoires.

Avantages environnementaux : une énergie verte renouvelable

L’énergie hydraulique n’émet que très peu de gaz à effet de serre, un atout considérable pour la neutralité carbone. Ses émissions sont estimées à 6 g de CO2 par Kwh, identiques à celles de l’électricité nucléaire.

Pour comparer avec les autres énergies renouvelables, l’électricité photovoltaïque émet en moyenne 44 g éq.CO2/kWH et l’éolien terrestre 14 g éq.CO2/kWH. Ces émissions de gaz à effet de serre sont largement inférieures à celles des énergies fossiles : 243 g éq.CO2/kWH pour le gaz naturel ou encore 1060 g éq.CO2/kWH pour une centrale charbon.

L’eau est aussi une ressource naturelle et durable. Pendant le cycle de production d’énergie hydraulique, elle ne subit aucune transformation. Elle suit son chemin et réintègre en aval le cycle de vie de l’eau.

Avantages économiques : l’électricité la moins chère

Les coûts de production et d’exploitation de l’électricité hydraulique sont estimés entre 15 et 20 euros par MWh. C’est l’énergie la moins chère. En comparaison, les coûts de production du nucléaire sont évalués à 40 €/MWh par la Société Française d’Énergie Nucléaire (SFEN).

Ces chiffres ne sont cependant qu’une moyenne qui cache des disparités. Selon un rapport du Sénat de 2021, les coûts de l’hydroélectricité peuvent monter jusqu’à 160 €/MWh en fonction de la puissance et de l’ancienneté de l’ouvrage.

Mais si les centrales les plus puissantes peuvent nécessiter de gros investissements, les coûts d’exploitation et de maintenance sont réduits. Et ces installations de très longue durée permettent un amortissement certains des coûts dans le temps.

Avantages sociaux : des emplois non délocalisables

Très localisée, la filière hydroélectrique contribue au développement économique des territoires. Selon une étude du Syndicat des Énergies Renouvelables, l’hydroélectricité représente en France plus de 30 000 emplois directs, indirects et induits, non délocalisables.

Les grands barrages sont aussi des lieux d’attractivité touristique, ancrés dans l’histoire locale. Randonnées, tourisme industriel, activités sportives peuvent s’organiser en toute sécurité autour des lacs de retenues, en partenariat avec les exploitants.

Énergie hydraulique : les enjeux

Aucune solution de production d’énergie n’est parfaite. Si l’énergie hydraulique offre de nombreux atouts, elle soulève des questions en matière d’environnement et de sécurité.

Enjeux environnementaux : protéger les écosystèmes

La construction des barrages hydroélectriques et de leurs réservoirs d’eau artificiels bouscule les écosystèmes environnants.

Dès 2006, la France s’est emparée de cette question afin de réduire l’impact environnemental de l’hydroélectricité. La loi sur l’eau et les milieux aquatiques impose un cadre au déploiement des centrales hydroélectriques.

Elle oblige les exploitants à prendre des mesures pour préserver la faune et la flore en amont et en aval des centrales : maintenir les cours d’eau à un débit minimum réservé, mettre en place des passes à poissons, respecter les lits des cours d’eau, etc. La législation protège également certains cours d’eau, identifiés comme réserves naturelles de certaines espèces aquatiques.

Sécurité des ouvrages hydrauliques : une surveillance constante

En 1959, l’effondrement du barrage de Malpasset à Fréjus dans le Var a provoqué la mort de 423 personnes. Cet accident est le seul recensé en France sur un siècle.

Si les ruptures de barrages sont rares, la France a mis en place un système de sécurité renforcé. Sous l’égide du service de contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques de l’État (SCSOH), les exploitants ont l’obligation d’exercer une surveillance constante des centrales hydroélectriques et de réaliser des vérifications régulières et des études périodiques de dangers.

Énergie hydraulique : quelles sont les perspectives d’avenir en France et dans le monde ?

Énergie pionnière, l’hydroélectricité est une des plus anciennes énergies dans le monde. Si elle a connu son heure de gloire au XXᵉ siècle, peut-elle trouver sa place au XXIᵉ siècle ?

Les principaux sites de production en France et dans le monde

La France compte plus de 2 500 installations hydroélectriques. Le plus gros potentiel de production hydraulique se situe dans les régions montagneuses du sud.

En 2022, le podium est occupé par :

La région Auvergne Rhône-Alpes qui représente 44 % de la puissance hydroélectrique raccordée en France (11 403 MW) avec une production de 19 885 GWh.

La région Occitanie qui représente 20 % de la puissance hydroélectrique française (5 296 MW) avec une production de 7 404 GWh.

La région Provence-Alpes Côte d’Azur qui représente 12 % de la puissance installée en France (3 264 MW) avec une production de 5 684 GWh par an.

Puissance hydraulique raccordée par région en France
Source : Syndicat des Énergies renouvelables


Production hydraulique par région en 2022
Source : Syndicat des Énergies renouvelables

Plus de 90 % des installations hydroélectriques sont des centrales au fil de l’eau. Mais les centrales de lac représentent 40 % de la puissance nationale installée de 25,7 GW.

Répartition des capacités hydrauliques
Source : Syndicat des Énergies renouvelables

Deuxième pays producteur d’hydroélectricité en Europe derrière la Norvège, la France reste loin des principaux producteurs d’énergie hydraulique dans le monde : la Chine, le Brésil, le Canada et les États-Unis.

Au niveau mondial, l’hydroélectricité représente 16 % de la production électrique mondiale. C’est la troisième source d’électricité derrière le charbon (40 %) et le gaz (19 %).

Le barrage des Trois-Gorges en Chine est la plus grande centrale hydroélectrique au monde. Avec 22,5 GW installés, elle représente la puissance de 16 réacteurs nucléaires.

Quel avenir pour l’hydroélectricité en France et dans le monde ?

En France

Avec 25,7 GW de puissance installée, l’hydroélectricité représente 17,1 % du parc français de production et de stockage électrique, mais seulement 10,9 % de l’électricité produite.

Après avoir diminué de 4 % entre 2020 et 2021, la production est passée de 58,4 TWh en 2021 à 44,4 TWh en 2022, soit une baisse de 23 %. En cause ? La sécheresse. L’hydroélectricité est fortement dépendante des conditions hydrologiques.

Deuxième limite au développement de l’énergie hydraulique en France : l’atteinte des capacités de production du parc hydroélectrique français, déployé depuis la fin du XIXᵉ siècle.

Pourtant, des marges de progression subsistent. La capacité de production hydroélectrique française pourrait encore augmenter de 10 à 12 %. C’est ce que vise la stratégie de transition énergétique nationale, déclinée dans la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie 2019-2028.

L’objectif ? Augmenter le parc hydroélectrique à 1200 MW d'ici à 2028 pour accroître la production d’environ 3 à 4 TWh et renforcer l’indépendance énergétique de l’Hexagone.

Pour y parvenir, l’État mise sur l’optimisation du parc existant, en équipant des barrages existants de centrales hydroélectriques et en soutenant la rénovation des installations existantes. Cela passe également par le développement des STEP et de la petite hydroélectricité via des appels d’offres.

Dans le monde

Dans le monde, le potentiel hydroélectrique est loin d’avoir atteint son maximum. Selon Pierre-Louis Viollet, directeur du département R&D EDF, la production annuelle atteint aujourd’hui le tiers de ses capacités.

Les continents africain, sud-américain et asiatique recèlent de ressources non exploitées. Des investissements couplés à une forte volonté politique pourraient porter la production hydroélectrique mondiale à 14 600 TWh et couvrir 75 % de la consommation électrique mondiale.

Parmi les projets hydroélectriques phares actuels, le projet australien « Snowy » 2.0 se démarque par son gigantisme. L’objectif ? Construire d’ici à 2026 une STEP d’une puissance de 2000 MW pour une capacité de stockage de 350 GWh.

Renouvelable, économique et faiblement émettrice de CO2, l’énergie hydraulique s’impose comme une énergie incontournable de la transition énergétique. Elle forme le socle du mix énergétique de demain, aux côtés de l’énergie solaire et de l’éolien.

Si ses perspectives de développement semblent limitées en France, les centrales hydroélectriques existantes constituent un vrai trésor énergétique à préserver et à optimiser pour continuer à transformer l’or bleu en électricité. Et si l’avenir de l’énergie hydraulique venait aussi de la petite hydroélectricité et de la mer avec l’énergie marémotrice ?

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