Sûreté nucléaire : Comment assurer la sécurité des centrales nucléaires ?

L’énergie nucléaire est de loin la source principale de production d'électricité en France. Le taux de disponibilité des parcs (le nombre de centrales en état de fonctionnement) est un indicateur fondamental à suivre afin de comprendre l'activité des marchés de l'énergie.

En ce début d'année 2023, plusieurs centrales nucléaires sont à l'arrêt ce qui pousse les prix de l'électricité vers le haut depuis le printemps 2022. La raison principale de ces arrêts ? Des opérations de maintenance relative à la sécurité des centrales nucléaires.

De manière générale, ces opérations sont prévues de longue date et sont étalées dans le temps. La crise sanitaire de 2020 a chamboulé ce calendrier et des événements conjoncturels se sont ajoutés à des opérations de maintenance chargées.

Dans cet article, nous allons comprendre comment se décline la stratégie de sûreté nucléaire afin de saisir les impacts qu’elle peut avoir sur les marchés de l'électricité.

Qu'est-ce que l'énergie nucléaire ?

L’énergie nucléaire est la source principale de production d'électricité en France. Elle désigne, de manière générale, la technologie qui permet de fissurer des atomes d'uranium afin de libérer une grande quantité d’énergie. La fissure d’un atome d’uranium provoque la fission d’autres atomes avoisinants, et ainsi de suite. Cette énergie est ensuite utilisée afin de faire tourner une turbine et ainsi produire de l'électricité.

L’eau est un élément central de ce dispositif. En effet, l'énergie dégagée par cette réaction vient chauffer de l’eau qui se transforme en vapeur, cette vapeur va venir alimenter une turbine équipée d’aimants. La rotation de cette turbine va permettre la création de courant électrique.

Source : EDF

La structure d’une centrale nucléaire peut varier de par sa localisation géographique mais, de manière générale, elles se composent de 4 parties principales :

  • Le bâtiment contenant le réacteur dans lequel ont lieu la fission nucléaire et la réaction en chaîne.
  • La salle des machines où se trouve la turbine et la production d'électricité.
  • Les départs de lignes électriques qui évacuent et transportent l'électricité par le biais du réseau de transport d'électricité (RTE).
  • Les tours de refroidissement uniquement lorsque la centrale est située en bord de rivière

Les circuits primaires et secondaires sont indépendants l’un de l’autre. L’eau qui circule dans l’un des tuyaux n’est jamais en contact avec d’autres parties de la centrale, ces eaux sont ensuite renouvelées.

Cette source de production est peu émettrice de CO2 (mis à part la phase de construction), mais elle est également pilotable, ce qui fait d’elle une énergie parfaite afin d’accompagner la transition énergétique.

La question du démantèlement des centrales et de la gestion des déchets reste tout de même importante et interroge sur cette source de production sur le long terme. Vous l’aurez compris la sécurité et la sûreté de nos centrales est l'élément clé lorsqu’il s’agit d’évaluer les bénéfices de l’énergie nucléaire.

La sûreté des centrales nucléaires : Prévention et gestion des risques

Les grands principes de la sûreté nucléaire

Il faut tout d’abord différencier les actions de sécurité civile de celles de sûreté nucléaire :

  • La sécurité nucléaire a pour but de gérer tout type de risque quant à l'utilisation de l'énergie nucléaire. Par exemple, sa sécurité physique contre les attaques externes.
  • La sûreté nucléaire concerne uniquement le risque de dispersion de produits radioactifs. Il s’agit là de toutes les mesures et les contrôles de maintenance afin de vérifier que les cuves sont étanches, que la fission d’atome d’uranium se limite au cœur du réacteur nucléaire.

La sûreté nucléaire est décrite dans les termes suivants par l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) :

“La sûreté nucléaire est l'ensemble des dispositions techniques et des mesures d'organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l'arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu'au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d'en limiter les effets.”

Il existe de nombreux protocoles mis en place afin d’assurer que le fonctionnement de la centrale ne présente aucun danger de fuite radioactive. Ils décrivent les différentes lignes de défense successives qui se mettent en place en cas de situation accidentelle. C’est ce que l’on appelle la défense en profondeur.

On retrouve les différents niveaux d’intervention dans le schéma ci-dessous :

Des contrôles stricts et réguliers

Comme toute activité industrielle, le risque existe et doit être mesuré et géré afin de garantir la protection des personnes et des biens. Il s’agit même d’un sujet de sécurité nationale.

Les centrales nucléaires ne relèvent pas de la directive SEVESO. À la conception des premières centrales, des accidents tels que Fukushima au Japon n'étaient pas forcément imaginés.

Les politiques de sûreté nucléaire ont évolué à travers le temps afin d'arriver à des contrôles de plus en plus stricts.

Aujourd’hui l’ASN publie ses différentes opérations de maintenance prévues sur l’ensemble des centrales françaises.

La crise sanitaire du Covid 19 a considérablement ralenti le calendrier de maintenance, ce retard est actuellement en train d'être compensé sur les années 2022, 2023.

Les barrières de sûreté

La sûreté nucléaire est organisée autour de fonctions et de barrières de sûreté. Il existe trois types de fonctions de sûreté :

  • La maîtrise de la réaction en chaîne,
  • Le maintien du refroidissement du combustible en toutes circonstances (y compris à l’arrêt),
  • Le confinement des produits radioactifs en cours d’utilisation et usagés.

Les barrières de sûreté sont érigées expressément afin de gérer le troisième risque. Pour cela il existe trois types de barrières indépendantes : Gaine du combustible, cuve du réacteur et enceinte de confinement.

Ces barrières visent à rendre hermétique à la fois l’uranium, l’eau de refroidissement, le cœur du réacteur ainsi que le réacteur en lui-même. Ce système a été conçu en imaginant plusieurs événements initiateurs et les scénarios qui s’en découlent, pouvant conduire à des conséquences graves pour l'homme ou l'environnement.

Source : ASN

Les acteurs de la sécurité des centrales nucléaires

En France, la sûreté nucléaire concerne de nombreux acteurs dépendants les uns des autres. On distingue les exploitants, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), l’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN) et ses commissions d’experts, les autorités publiques (parlement) et enfin, les associations citoyennes.

L'ASN : L'Autorité de Sûreté Nucléaire

L’État a créé l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) afin de garantir un niveau d’exigence et de sûreté nucléaire suffisant sur le territoire français.

À l’image de la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), il s’agit d’une autorité administrative indépendante de l’Etat. Sa mission principale est de s’assurer qu’EDF, en tant qu’exploitant, respecte les exigences de la réglementation en matière de sûreté nucléaire.

Ses trois missions principales sont les suivantes :

  • La réglementation : l'ASN contribue à la création de textes de lois et donne régulièrement son avis au gouvernement sur les sujets de sûreté nucléaire.
  • Le contrôle : l'ASN est chargée de contrôler l’activité des exploitants, également de faire de la gestion de crise le cas échéant.
  • L’information du public : l’ASN est notamment chargée de prévenir la population en cas d’incident.

Cette autorité donne son avis sur les différents scénarios d'aléas étudiés par EDF et a le pouvoir de déclencher des opérations de maintenance ou d’étude sur l’intégralité du parc nucléaire.

Ces opérations ont une importance capitale pour la sécurité des citoyens français et européens, mais ont également des répercussions importantes sur les marchés de l'électricité. Aujourd’hui, le contrôle de l’ASN ne se cantonne pas au respect de critères techniques, son contrôle s’étend aux enjeux organisationnels et humains des centrales nucléaires.

EDF

EDF est l’exploitant des centrales nucléaires en France. C’est le principal acteur et responsable de la sûreté de ces actifs industriels cruciale pour le fonctionnement de notre société. Ils sont soumis à toute la réglementation évoquée précédemment, suivie de près par l’ASN et les autorités publiques.

Au-delà d’assurer le fonctionnement actuel des centrales EDF est également chargé d’allonger la durée de vie des centrales nucléaires. Un processus de maintenance, de sécurité et de qualité est essentiel pour prolonger la durée de vie, évaluée initialement à 40 ans minimum.

Les centrales font l’objet de visites décennales obligatoires. Ces « check-up » sont programmés de manière à ne pas affecter la disponibilité moyenne du parc. La situation que l’on connaît aujourd’hui est exceptionnelle au regard des cinquante dernières années.

Western European Nuclear Regulators Association

Créée en février 1999, l'Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d’Europe de l’Ouest (WENRA - Western European Nuclear Regulators Association) est une association indépendante, qui met en œuvre et diffuse des protocoles et des réglementations de sûreté nucléaire harmonisés.

Au niveau européen, la WENRA promeut l'harmonisation des réglementations nationales de sûreté nucléaire entre les différents États membres.

L'IRSN : L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public à caractère industriel et commercial français (EPIC) sous la tutelle des ministères de l'énergie, de l’environnement et de la Défense.

L’IRSN mène des travaux de recherche et d’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques. C’est l'institut qui étudie notamment les effets des rayonnements ionisants sur la santé. Ces conclusions et avis viennent alimenter les décisions juridiques et opérationnelles prises par l’ASN.

La sûreté nucléaire est un sujet majeur en France et dans chaque pays exploitant cette technologie. Il convient de suivre les protocoles émis au niveau national ainsi qu’au niveau européen. Les risques en matière de sécurité et de sûreté sont évoqués par les détracteurs de cette source de production, cependant les incidents sont rares depuis sa création.

Il est certain que l’énergie nucléaire sera l’énergie de transition en France, le fait qu’elle soit pilotable et sans émissions directes de CO2 est des atouts majeurs. Il est important de maintenir un cadre de sûreté efficace afin d’atteindre les objectifs environnementaux et de réussir le défi climatique.

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter notre article sur l’histoire de l’énergie nucléaire en France.