La fusion nucléaire est-elle l'énergie du futur ?

il y a 3 ans   •   8 minutes de lecture

Table des matières

Imaginez une énergie propre, quasi illimitée, capable de produire de l’électricité sans émettre de CO₂ ni générer de déchets hautement radioactifs. Cette promesse, c’est celle de la fusion nucléaire. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les scientifiques tentent de reproduire sur Terre le procédé à l’œuvre au cœur du Soleil. 

Face à l’urgence climatique et énergétique, la recherche s'accélère depuis 20 ans. Où en est-on aujourd’hui ? La fusion nucléaire est-elle à portée de main ou une chimère technologique encore hors d’atteinte ? 

Fonctionnement, enjeux, avancées récentes, défis techniques, et projets internationaux comme ITER : plongez avec Sirenergies au cœur de cette quête scientifique.

Fusion nucléaire : qu’est-ce que c’est ? 

La fusion nucléaire est un procédé technique permettant de produire une grande quantité d’énergie thermique grâce à la fusion de plusieurs éléments radioactifs. La chaleur est ensuite convertie en électricité. Le procédé de fabrication repose sur la condensation de deux noyaux atomiques qui, en s’assemblant, forment un noyau plus lourd. 

Fusion nucléaire

La fusion ou l’énergie du Soleil et des étoiles

La fusion nucléaire sur Terre tente de reproduire la réaction de fusion observée au cœur du soleil et des étoiles. Ces derniers sont essentiellement composés d'un « plasma » dans lequel les atomes d’hydrogène fusionnent pour produire de l’hélium. 

Comment ce processus est-il possible ? Les atomes d'hydrogène ne sont-ils pas censés se repousser ?

En théorie, oui. Mais le plasma est un gaz ionisé très chaud. De plus, le centre d'une étoile se distingue par une force gravitationnelle élevée et des températures très élevées (environ 15 millions de degrés Celsius pour notre soleil). Les particules n'ont d'autre choix que d'entrer en collision et de fusionner. 

Comment fonctionne la fusion nucléaire ? 

Lorsque les atomes d'hydrogène fusionnent, il forment un noyau plus lourd mais très instable… Le neutron est expulsé, provoquant une infime perte de masse. La quantité d'énergie libérée par cette expulsion est énorme !

Ce petit pas pour le noyau est un grand pas pour l'Homme. Mais le procédé est loin d'être fini. D’autres particules se rencontrent au fur et à mesure de la condensation, produisant une énergie croissante. La réaction de fusion continue tant qu'il y a des ressources à consumer.   

Reproduire la fusion nucléaire sur Terre, une utopie ? 

La fusion nucléaire est possible sur Terre, du moins en théorie. Elle pourrait permettre une production considérable d'électricité grâce à des turbines adaptées. 

Le système à mettre en place ne diffère en rien de la technologie actuelle : la fission nucléaire. La chaleur issue de la réaction augmente la température de l'eau contenue dans un circuit primaire.
Ce dernier chauffe à son tour le stock d'eau du circuit secondaire. À ce stade, la vapeur d'eau fait tourner la turbine reliée à l'alternateur pour produire de l’électricité. 

Pourquoi utiliser la fusion nucléaire ? 

La fusion thermonucléaire est en principe une source inépuisable d'énergie. Pour mieux cerner son potentiel et sa place dans l’avenir énergétique, explorons ses avantages et inconvénients.

Les avantages de la fusion nucléaire

Mesurer l'intérêt de la fusion nucléaire n’est possible qu'en la comparant à un procédé similaire : la fission. Cette dernière est souvent critiquée en raison des risques techniques qu'elle présente. 

La fusion peut, en théorie, éviter ces risques tout en offrant une production énergétique plus importante. Parmi les avantages de ce procédé, nous pouvons citer : 

  • Une puissance énergétique accrue, avec une production quatre fois plus puissante que la fission.
  • Un risque d’accident nucléaire réduit, grâce à l’absence de réaction en chaîne.
  • Une énergie décarbonée aux émissions de gaz à effet de serre quasi nulles et aux conséquences limitées sur l’environnement et les populations. 

L’un des enjeux majeurs de l'énergie nucléaire réside dans la gestion des déchets. Bien que la fusion génère des déchets, ceux-ci ne sont pas hautement radioactifs. Les résidus les plus problématiques devraient pouvoir être recyclés en moins de 100 ans, alors que les déchets issus de la fission nucléaire ont une durée de vie de 300 ans à plusieurs milliers d’années. 

Les limites de la fusion thermonucléaire

Bien que prometteuse, la fusion nucléaire n'est pas sans risques. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) met en garde contre la formation de résidus dus à l'érosion des matériaux composant la couverture interne des réacteurs (tungstène ou béryllium). 

D’autres formes de pollution pourraient naître du démantèlement des futurs réacteurs nucléaires ou des projets de fusions existants. Le risque est d'autant plus réel que les matériaux et infrastructures sont irradiés lors de l'exploitation des centrales nucléaires. Ce problème demeure cependant moins significatif que les conséquences de la fission. 

ITER ou la promesse d’une révolution nucléaire

Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les projets se multiplient autour de la fusion nucléaire. Chacun est une véritable mine de renseignements pour donner vie au projet international ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), lancé en 2006. 

Un intérêt mondial pour la fusion nucléaire

Pour créer et confiner du plasma de fusion, les chercheurs ont conçu un réacteur expérimental : le tokamak. Depuis 1950, plus de 200 modèles ont été construits dans le monde dans l'espoir d’atteindre le Saint Graal : la fusion  nucléaire. 

Le Tokamak
Le Tokamak - Source : ©US ITER

Les scientifiques réalisent des tests grandeur nature pour mieux comprendre et maîtriser l'énergie de la fusion nucléaire.

Les projets les plus connus sont : 

  • Le KSTAR (Corée) - Korea Superconducting Tokamak Advanced Research
  • L’East (Chine) - Experimental Advanced Superconducting Tokamak
  • Le West (France) - Tungsten Environment in Steady-state Tokamak, exploité par le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA). 
  • Le Jet (Europe) - Joint European Torus
  • Le JT-60 SA (collaboration nippo-européenne) 
Le KSTAR (Corée)
Le KSTAR (Corée) - Photographie: National Research Council of Science & Technology

ITER, un projet international ambitieux

Depuis 2006, le réacteur thermonucléaire expérimental international ITER bénéficie de la collaboration de 33 pays. 

La construction du tokamak de 830 m³ est réalisée à Cadarache dans le sud de la France. Ce projet vise à générer et des « plasmas en combustion » et à analyser leur comportement. La production de plasma devrait débuter en 2033. La première fusion deutérium/tritium est prévue à partir de 2039. Cette période préparatoire permettra d'augmenter progressivement la puissance du réacteur ITER, tout en garantissant sa stabilité et en limitant les surcoûts. 

Si ITER réussit à réaliser et pérenniser la fusion nucléaire, il prouvera la faisabilité technique du procédé. Cette avancée ouvrirait la voie d’un projet encore plus ambitieux : le tokamak Demo. Son objectif ? Démontrer la possibilité de produire en grande quantité de l'électricité grâce à la fusion thermonucléaire, dans la seconde moitié du XXIème siècle. 

Quel avenir pour la fusion nucléaire ? 

L’avenir de la fusion nucléaire dépend de la capacité des chercheurs à surmonter les obstacles à son exploitation. Pour répondre à cette question, analysons les défis et résultats obtenus  jusqu’ici. 

L’énergie de la fusion est une utopie. Beaucoup pourraient être tentés de tirer cette conclusion, tant les défis à relever sont nombreux. Ce projet ambitieux vise à reproduire les conditions de la formation du plasma au cœur du Soleil.

Cependant, la force gravitationnelle n'est pas du tout la même sur Terre...

De nombreux défis techniques à la fusion nucléaire 

Pour exploiter l'énergie de la fusion nucléaire, les scientifiques doivent réunir quatre éléments : 

  • Une ressource de base composée d’atomes légers.
  • Un réacteur surpuissant pour créer le plasma.
  • Un dispositif de confinement pour contenir le plasma.
  • Une solution pour densifier le plasma afin de favoriser les collisions atomiques. 

À ce jour, deux ingrédients semblent adaptés pour mijoter dans la soupe de plasma : le deutérium (D) et le tritium (T), deux isotopes de l’hydrogène. Ils offrent un bon rendement énergétique à des températures relativement basses. La fusion D-T nécessite néanmoins une température de 150 millions de degrés, soit 10 fois plus que la température au centre du Soleil ! 

Concernant le plasma, deux techniques de confinement sont à l'étude : le confinement inertiel et le confinement magnétique. La première solution nécessite de chauffer une capsule métallique d'environ 2 mm avec des faisceaux de laser et une puissance de 300 milliards de watts ! Cette technique n'a pas encore permis d'atteindre le seuil d'ignition (production de l'énergie thermique) escomptée. 

Principe de la fusion par confinement inertiel - Source : Veinhard, Matthieu. (2019). Endommagement surfacique de la silice avec des faisceaux laser type LMJ.

Fusion nucléaire : des résultats encore partiels 

Depuis les premiers tokamaks, la fusion nucléaire oscille entre engouement excessif et stagnation technologique. Même si les progrès sont notables, la technologie est encore loin d’une exploitation à grande échelle. Les records s’enchaînent cependant, porteurs d’espoir : 

  • En décembre 2021, le tokamak chinois East a maintenu un plasma de fusion à près de 70 millions de degrés Celsius pendant 17 minutes et 36 secondes. 
  • En 2022, le réacteur Jet situé au Royaume-Uni a produit près de 11 MW pendant 5 secondes, une avancée significative mais à peine suffisante pour alimenter une ampoule LED pendant 2 heures. 
  • En 2022, les États-Unis ont annoncé un gain net d’énergie, marquant une première mondiale où la quantité d’énergie produite a dépassé celle consommée.
  • En 2023, le projet nippo-européen JT-60SA a généré du plasma dans un volume record de 160 m³ à plus de 15 millions de degrés Celsius. 
  • En février 2025, le tokamak West  a maintenu un plasma pendant 22 minutes, surpassant le record réalisé quelques semaines auparavant par le tokamak East. 

Tous les regards sont désormais tournés vers ITER qui vise la production de 500 MW pendant 400 secondes en utilisant uniquement une puissance de 50 MW pour réaliser la fusion D-T deuterium-tritium.

Un regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire

La recherche sur la fusion nucléaire pourrait continuer à s’accélérer ces prochaines années, avec le soutien de nouveaux pays. Après des années de scepticisme, plusieurs États européens viennent de prendre des décisions majeures en faveur du nucléaire

En Belgique, l’abrogation en mai 2025 de la loi d’abolition du nucléaire permet le maintien des cinq centrales nucléaires en activité, dont deux voient leur durée de vie prolongée de dix ans. La Belgique envisage également la construction de nouvelles capacités de production nucléaire, notamment via des réacteurs de petite taille (SMR).

Fervent défenseur des énergies renouvelables, le Danemark a adopté une loi explorant la possibilité de recourir au nucléaire pour couvrir la demande électrique et réduire sa dépendance au gaz et au charbon. Axée sur les SMR, l’étude d’impact devrait durer un an. 

Même l’Allemagne anti-nucléaire semble assouplir sa position. Si les dernières centrales allemandes ont été arrêtées en 2023, l’Allemagne reste néanmoins partie prenante du projet ITER et prévoit d’investir plus d’un milliard d’euros pour développer son premier réacteur à fusion. 

Vous voulez anticiper les révolutions technologiques  ?

Inscrivez-vous à la newsletter marché Sirenergies pour suivre les fluctuations (gaz, électricité, CO₂) et comprendre les impacts sur vos charges énergétiques.

Pour conclure...

Propre, puissante et abondante, la fusion nucléaire incarne l’idéal énergétique. Mais cette image séduisante dissimule une réalité complexe. De nombreux États misent sur le nucléaire pour répondre aux défis énergétiques et climatiques. Chaque année, les projets de tokamaks repoussent les limites. Pourtant, l’incertitude demeure : si les experts espèrent les premiers résultats concrets à partir de 2050, une production énergétique à grande échelle semble loin de portée. La route est encore longue pour transformer la fusion nucléaire en clef de l’avenir énergétique… mais elle est tracée par la recherche et la coopération internationales. 


Contactez-nous

Cet article vous a intéressé ?
Partagez-le ! ☺️

Poursuivre la lecture