Qu’est-ce que le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) ?

Le 26 mars 2022, les pouvoirs publics ont annoncé le projet d’installation dans le port du Havre d’un tout nouveau terminal méthanier flottant d’une capacité de 3,9 millions de tonnes de GNL par an.

L’occasion pour SirEnergies de rappeler ce qu’est le gaz naturel liquéfié (GNL), une autre ressource énergétique envisagée par les Occidentaux pour réduire la dépendance de l'Union Européenne aux gazoducs russes.

Dans cet article, on vous présente les principales différences entre le gaz naturel et le GNL (Gaz Naturel Liquéfié), mais aussi sa chaîne logistique, qui dans le contexte de guerre en Ukraine, présente de réels avantages en termes géopolitiques.

Quelle différence entre le gaz naturel et le gaz naturel liquéfié ?

Le gaz naturel liquéfié (GNL) est du gaz naturel qui a été épuré puis refroidi afin de changer d'état pour devenir liquide à pression atmosphérique.

Quelles sont les caractéristiques du GNL (Gaz Naturel Liquéfié) ?

Le GNL est un liquide transparent, inodore, de couleur claire, non corrosif et non toxique. Il est plus léger que l’eau avec une masse volumique de 465 kg/m3.

Son PCS (pouvoir calorifique supérieur) qui est l’énergie thermique libérée lors de sa combustion est de l’ordre de 11 à 12 kWh/Nm3.

Comment liquéfier le gaz ?

Le gaz naturel, pour devenir liquide, subit plusieurs traitements : épuration, déshydratation, prérefroidissement et enfin liquéfaction. La liquéfaction nécessite l’abaissement de la température du gaz naturel jusqu’à -160 °C pour devenir liquide à pression atmosphérique.

Pourquoi liquéfier le gaz naturel ?

La liquéfaction du gaz naturel permet de réduire son volume de près de 600 fois et de rendre son stockage et son transport plus simple et plus économique.

La chaîne logistique du GNL (Gaz Naturel Liquéfié)

Principe de fonctionnement

Le gaz naturel est acheminé après son extraction vers des unités de traitement, de liquéfaction et de stockage :

  • Le traitement permet d’extraire les impuretés comme le dioxyde de carbone (CO2) et les hydrocarbures “lourds”.
  • La liquéfaction est réalisée par abaissement progressif de sa température au moyen d’échangeur thermique avec de l’eau de mer puis avec trois fluides frigorifiques : le propane, l’éthylène et le méthane. Dans les évaporateurs du cycle propane, le gaz naturel est refroidi, dans ceux de l’éthylène, il se condense, et dans ceux du cycle du méthane il se liquéfie en étant refroidi à une température de -160 °C avant d’être détendu à la pression atmosphérique et envoyé au stockage.
  • Le stockage du gaz naturel devenu GNL (Gaz Naturel Liquéfié) s'effectue dans des réservoirs cryogéniques qui le maintiennent à l’état liquide entre -120 °C et -160 °C.

Le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) ainsi obtenu est transporté dans des navires méthaniers (bateaux spécialement conçus pour le transport de GNL). Le GNL est ensuite livré dans des ports spécialement équipés de terminaux méthaniers.

Dans ces unités, le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) est pompé des soutes des navires vers des stockages puis regazéifié par réchauffement. Le gaz liquide redevient gazeux et peut alors être injecté dans les réseaux de distribution des pays consommateurs.

Source : Elengy

La chaîne logistique gazière s’appuie sur des usines de liquéfaction, des navires méthaniers et des unités de regazéification.

État actuel de la chaîne logistique mondiale du GNL (Gaz Naturel Liquéfié)

Dans le monde, il existe aujourd’hui 26 terminaux de liquéfaction, répartis dans 15 pays, et 60 terminaux de regazéification, répartis dans 18 pays. On compte une soixantaine de projets de terminaux de liquéfaction, et un peu plus de 180 projets de terminaux de regazéification, dont une grande partie ne verra probablement jamais le jour du fait de l'abandon progressif des énergies fossiles.

Les infrastructures portuaires de GNL en France

La France a mis en service son premier terminal méthanier d’importation au Havre en 1965 (démantelé en 1989) et dispose aujourd’hui de terminaux à Fos-Tonkin (1972), Montoir-de-Bretagne (1980), Fos-Cavaou (2010) et à Dunkerque (2015). La France participe ainsi à la stratégie de diversification des approvisionnements européens et envisage de l’accroître en installant notamment un terminal flottant de stockage et de regazéification dans le port du Havre.

Source : Rystad Energy

Le conflit en Ukraine ravive l’intérêt du GNL en Europe

Un enjeu majeur mais un potentiel encore bien faible

Afin de réduire sa dépendance au gaz russe, l’Europe compte sur le gaz naturel liquéfié (GNL). Le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) est une solution plus flexible que le gaz naturel de gazoduc car il peut provenir de n’importe quel pays producteur dès lors que celui-ci dispose d’unités de liquéfaction.

À ce jour, les sources d’approvisionnement en GNL sont diversifiées et réparties principalement sur 3 gros exportateurs : les Etats-Unis, le Qatar et l’Australie. Au total, on compte une vingtaine de pays dans le monde qui exportent du GNL. En 2021, la demande mondiale a continué à augmenter de 6%, tirée notamment par l’Asie, la Chine en tête bien sûr.

Actuellement, l’Union Européenne n’achète pas moins de 200 milliards de mètres cubes de gaz à la Russie. Or, selon la compagnie BP, près de 500 milliards de mètres cubes de gaz naturel sous forme de GNL ont été transportés en 2019 dans le monde.

Théoriquement, l’Europe pourrait s’approvisionner en GNL. Cependant, il faut tenir compte des contrats long terme existants qui lient pays producteurs et consommateurs sur un marché déjà très tendu.

En effet, les importateurs s’arrachent les mêmes cargaisons dans un contexte de forte hausse des prix où il n’est pas rare de voir un navire méthanier changer 3 fois d’acheteur en cours de navigation pour livrer au plus offrant.

On estime que l’Europe pourrait capter un peu plus de 50% des 35 milliards de mètres cubes supplémentaires qui seront mis cette année sur le marché. L’autre partie étant importée par la Chine. L’Europe pourrait ainsi augmenter sa part d’importations de GNL d’environ 20 milliards de mètres cubes, soit 10% des importations de gaz russe, ce qui reste très insuffisant au regard des enjeux actuels.

L'Allemagne signe la construction de son 1er terminal GNL

Après le gel de la mise en service du gazoduc Nord Stream 2, le 7 mars 2022, l'Allemagne, en partenariat avec la société néerlandaise, Gasunie, s’engage dans la construction de son tout premier terminal GNL dans l'embouchure de l'Elbe. L’Allemagne ne disposant d’aucune infrastructure de ce type pour l’importation de GNL.

Le projet devrait permettre l’importation de 8 milliards de mètres cubes de gaz par an, à comparer aux 140 milliards de mètres cubes que l’Allemagne importe chaque année par gazoducs depuis la Russie.

Le gaz, véritable enjeu géopolitique

Le conflit entre la Russie et l'Ukraine déclenche une crise gazière

L’exploitation du gaz nécessite des installations internationales de grande taille, de très longs gazoducs comme ceux qui traversent l’est de l’Europe. (cf la chaîne logistique portuaire du GNL)

La mise en place de ces infrastructures internationales crée des liens très forts entre pays exportateurs et pays importateurs. Des relations de dépendance mutuelle pour la mise en place de la “chaîne gazière”, où les pays de transit, comme l’Ukraine, se trouvent dans une position stratégique.

Les relations entre la Russie et l’Union Européenne illustrent parfaitement la dimension géopolitique du gaz. La Russie a pour principal client l’Europe et craint pour ses débouchés à l’exportation. L’Europe, dont le principal fournisseur est la Russie, s'inquiète pour sa sécurité d’approvisionnement.

Dans le contexte actuel du conflit Russie/Ukraine, le gaz naturel représente un enjeu géopolitique majeur entre l’Union Européenne et la Russie. Le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) en provenance des Etats-Unis, du Qatar, et d'Australie devient une alternative au gaz russe pour l’Union Européenne.

Les exportations de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) depuis les Etats-Unis en forte croissance

Les décisions d’investissement en capacités de liquéfaction sont en forte augmentation aux Etats-Unis, représentant ainsi une réelle opportunité de diversification des approvisionnements de l'Union Européenne :

Les importations de GNL vers l’Europe sont en constante augmentation

En Europe, les importations de GNL ont augmenté de 555 TWh depuis 2017, soit +47%. En 2019, le total des importations représentait 1 193 TWh.

L’année 2018 a été caractérisée par l’acheminement soutenu des cargaisons de GNL vers l’Asie au détriment de l’Europe. Le marché étant guidé par une demande élevée et par un prix asiatique plus intéressant et corrélé à la hausse des cours du pétrole sur lesquels de nombreux contrats asiatiques sont indexés.

L’année 2019 s’inscrit dans un contexte économique moins favorable pour l’Asie, ce qui conduit à décharger le GNL, et notamment le GNL russe de Yamal, directement en Europe.

L’année 2020 enregistre la plus forte arrivée de GNL de la décennie en France, qui devient le premier importateur de GNL en Europe devant l’Espagne.

La France bénéficie d’une situation privilégiée en Europe avec de fortes capacités d’imports terrestres (interconnexion), d’import de GNL et de stockage du GNL.

Les autres grands pays européens ne bénéficient pas tous de la même flexibilité. L’Allemagne ne dispose d’aucun terminal GNL et dépend fortement du gaz russe. L’Espagne dispose d’une seule interconnexion avec l’Europe, de peu de stockages et est fortement dépendante au GNL.


Dans un contexte de changement climatique et de guerre en Ukraine, le GNL est une ressource énergétique de transition complémentaire aux énergies renouvelables et un enjeu géostratégique.

La crise gazière actuelle et les enjeux géostratégiques liés à la dépendance par gazoducs entre l’UE et la Russie favorisent l’émergence du GNL un gaz plus facilement transportable qui s'appuie sur des infrastructures plus souples multifournisseurs.

Tous les pays européens ne sont pas égaux, les pays de l’Est restant géographiquement plus dépendants de la Russie, et ceux de l’Ouest bénéficiant de la façade atlantique.

La France est particulièrement bien positionnée pour être le principal point d’entrée du GNL en Europe même si la capacité des infrastructures GNL existantes est loin de pouvoir concurrencer la capacité des gazoducs en provenance de Russie.

La France avec son projet de terminal flottant dans le port du Havre et l’Allemagne avec son projet de terminal dans l'embouchure de l'Elbe comptent bien diversifier leurs approvisionnements hors de Russie.

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à lire notre article “Guerre en Ukraine - Quelle dépendance au gaz russe pour les pays de l'UE ?