Ces acteurs du secteur sont pris dans un redoutable effet ciseau qui écrase leurs marges déjà faibles en temps normal. Faire fuir les clients est une stratégie rare dans le commerce.
Et pourtant, c’est celle que suivent de plus en plus de fournisseurs d’électricité en France.
« Une dizaine d’entre eux sont sortis du marché ces derniers mois, mais le mouvement semble s’accélérer en cette prérentrée : nous ne comptons plus qu’une quinzaine de fournisseurs actifs contre une quarantaine avant la crise »
observe Rémy Rousset-Chin, cofondateur du spécialiste de l’analyse de consommation Lite.
Offres retirées des sites commerciaux, sites « en maintenance » ou « momentanément indisponibles »… De nombreux acteurs, grands - comme Iberdola - ou petits - comme Mint ou Ohm - semblent avoir mis la conquête de clients sur pause en cette fin août. Dernier en date, le géant espagnol Iberdrola conseillé en fin de semaine dernière à environ 10.000 à 15.000 clients dont le contrat s’arrête fin octobre de retourner chez EDF au tarif régulé de vente (TRV). Le fournisseur a été convoqué par la commission de régulation de l’énergie (CRE).»
D’autres fournisseurs ont très fortement relevé leurs grilles tarifaires.
«Les tarifs qui en avril s’étalaient entre 1850 et 4000 euros par an pour un foyer moyen se situent maintenant entre 1850 et 7500 euros, relève Julien Gorintin, chez Lite. Nous observons même dix offres à plus de 4000 euros, ce qui est inédit pour ce type de foyer.»
Une autre manière de faire fuir les clients.
Il est vrai que ces fournisseurs sont pris dans un redoutable effet ciseau qui écrase leurs marges déjà faibles en temps normal. Ils doivent rester compétitifs face au tarif régulé de vente d’EDF,qui n’a augmenté que de 4 % en février dernier.
Et ce alors que les prix de marché de gros de l’électricité sur lesquels ils s’approvisionnent ont flambé. Très dur à tenir, malgré leurs politiques de couverture et l’aide de l’Arenh, cette électricité d’origine nucléaire que leur vend EDF à prix cassés ...
D’autres voient dans la politique de ces fournisseurs une stratégie délibérée de ne conserver les clients qu’en été, lorsque la fourniture d’électricité est une activité peu risquée. Les fournisseurs se sont battus pour acquérir des clients au printemps 2022. Ils les inciteraient maintenant à partir avant l’hiver, lorsque les risques financiers liés à des surconsommations d’électricité deviennent très lourds à porter sur leur bilan. Une tactique qui leur permettrait au passage de revendre à prix d’or l’électricité d’origine nucléaire achetée à prix cassé auprès d’EDF.
«Je ne crois pas à cette hypothèse : la CRE lance des vérifications ex-post, et sanctionne par des amendes élevées ceux qui abusent de l’Arenh»,
rétorque Emmanuel Sire, conseiller en énergie.
Toujours est-il qu’Emmanuelle Wargon, la présidente de la CRE, a prévenu ce mercredi sur RMC qu’« il y a (des) fournisseurs qui ont des pratiques qui interrogent et je vais les recevoir, un par un ».
par Guichard Guillaume gguichard@lefigaro.fr