Paris, 3 juil 2025 (AFP) - EDF va pouvoir prolonger au-delà de 40 ans ses réacteurs nucléaires de 1.300 mégawatts (MW) en France après le feu vert de l'Autorité de sûreté, qui intervient alors que le gouvernement a acté la relance de la filière et que le débat fait rage autour de la stratégie énergétique de la France.
La décision de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) concerne les 20 réacteurs de cette puissance, dont les plus anciens auront 40 ans à partir de l'an prochain. Le parc français compte 56 réacteurs au total.
"L'ensemble des dispositions prévues par EDF et celles [que l'ASNR] prescrit ouvrent la perspective d'une poursuite de fonctionnement de ces réacteurs pour les dix ans qui suivent leur quatrième réexamen périodique", explique l'Autorité dans une note d'information datée du 1er juillet et rendue publique jeudi.
L'autorisation d'exploiter un réacteur nucléaire est délivrée sans limitation de durée mais un examen est prévu tous les 10 ans pour vérifier notamment l'état de l'installation.
"L'ambition fixée par EDF, dans le cadre de la poursuite du fonctionnement pour dix ans supplémentaires de ses réacteurs, est de faire tendre leur niveau de sûreté vers celui d'un réacteur de type EPR", a souligné le géant français du nucléaire.
Les investissements nécessaires à ce 4e réexamen sont estimés à 6 milliards d'euros, a ajouté EDF.
Pour le ministère de l'Énergie, ce feu vert "répond à l'objectif (...) de maintenir les capacités existantes de production d'électricité d'origine nucléaire", les 20 réacteurs concernés produisant plus de 40% de l'électricité nucléaire du pays.
"La prolongation au-delà de 40 ans fera l'objet d'une enquête publique et d'un bilan annuel afin que l'information à ce sujet soit transparente", a-t-il précisé.
Relance de l'atome
Les premières visites décennales au-delà de 40 ans de ces réacteurs débuteront l'année prochaine, avec celui de Paluel (Seine-et-Maritime) début 2026, a précisé EDF auprès de l'AFP.
Les autres réacteurs de 1.300 MW sont répartis sur les sites de Belleville (Cher), Cattenom (Moselle), Flamanville (Manche), Golfech (Tarn-et-Garonne), Nogent (Aube), Penly (Seine-Maritime) et Saint-Alban (Isère).
Cette annonce intervient quelques semaines après la signature par le gouvernement du contrat de filière nucléaire pour la période 2025-2028, qui a acté le programme EPR2 de construction de six nouveaux réacteurs de grande puissance, annoncé par Emmanuel Macron en 2022. La mise en service du premier de ces réacteurs, initialement prévu en 2035, a déjà été repoussée, en mars, à 2038.
La relance du nucléaire, qui devra être inscrite dans la prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), consacre la rupture avec la précédente adoptée en 2020, qui actait notamment la fermeture de 14 réacteurs, dont les deux de Fessenheim.
Elle intervient dans un contexte de débat tendu autour du futur énergétique de la France, avec une opposition frontale des partisans du tout nucléaire aux énergies solaires et éolienne au motif qu'elles coûteraient trop cher à la collectivité.
Dans une tribune dans le Figaro mercredi, le ministre de l'Intérieur et président des Républicains (LR) Bruno Retailleau et deux responsables du parti, se sont prononcés pour une priorité absolue au nucléaire et contre le soutien public à l'éolien et le photovoltaïque, qui selon eux "n'apportent au [bouquet] énergétique français qu'une intermittence coûteuse à gérer".
"Il faut faire du nucléaire et du renouvelable", a rétorqué jeudi Emmanuel Macron, lors d'un déplacement à Roquefort-sur-Soulzon, en appelant à ne pas "tout caricaturer" et à "sortir des lubies".
Cette tribune a été aussi vertement critiquée par d'autres membres du gouvernement et la filière des énergies renouvelables.
"Croire que sortir de la dépendance aux énergies fossiles et aux pays qui les produisent peut se faire en abandonnant les énergies renouvelables et en mettant au chômage les salariés de leurs filières, est une vue de l'esprit - et une position frontalement opposée à la ligne du gouvernement", a ainsi réagi Marc Ferracci, le ministre de l'Industrie.
S'en remettre au seul nucléaire "est en réalité un renoncement à l'électrification donc à la sortie des énergies fossiles avec à la clé le maintien de nos dépendances" vis-à-vis de l'étranger, a estimé Jules Nyssen, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).