🚨️Hydrogène : l'industrie en Europe mal partie pour respecter ses objectifs climatiques à 2030, selon le CEA

14 mars 2024   •   3 minutes de lecture

Paris, 13 mars 2024 (AFP) - L'industrie européenne (sidérurgie, aéronautique, automobile, raffinage, chimie..) ne sera pas en mesure de respecter les objectifs climatiques du Vieux continent à 2050 car elle n'investit pas assez dans l'hydrogène bas carbone, montre une étude du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) publiée mercredi.

L'étude "Sisyphe" menée par deux équipes de chercheurs du CEA, fondée sur des entretiens avec quelque 70 gros industriels du continent, montre que la demande industrielle en hydrogène bas carbone s'élèvera à seulement 2,5 millions de tonnes par an d'ici 2030 et 9 millions de tonnes à l'horizon 2040.

Or, pour parvenir à l'objectif "ambitieux" fixé par la Commission européenne de produire dans l'industrie sans émettre de CO2 supplémentaire d'ici 2050, l'Europe aura besoin de 20 millions de tonnes d'hydrogène bas carbone par an dès 2030, dont la moitié produite sur le sol européen, rappelle l'étude.

"L'Europe industrielle ne se décarbone pas assez vite, elle n'est pas dans la trajectoire", a déclaré à l'AFP Aymeric Canton, directeur des énergies au CEA et copilote de l'étude.

"On est sur une trajectoire à seulement 2,5 millions de tonnes de demande en 2030: il faut lever une série de freins réglementaires, et donner plus de stabilité pour permettre aux industriels d'accélérer dans leurs investissements", a-t-il ajouté.

L'étude "trans-européenne et trans-sectorielle" a été menée en 2023 sur la base d'entretiens avec 70 industriels interrogés sur leurs besoins potentiels en hydrogène pour décarboner leurs activités.

Soit pour l'utiliser directement dans leurs processus de fabrication, très énergivores, à la place de carburants d'origine fossile (gaz, fioul), soit pour le recombiner avec d'autres éléments chimiques pour produire des carburants aéronautiques bas carbone.

Sidérurgie et transport aérien

L'étude propose trois pistes pour relancer le verdissement de l'industrie via les investissements dans l'hydrogène bas carbone:

  • augmenter la production d'électricité renouvelable et nucléaire en Europe, nécessaire pour l'électrolyse permettant de produire de l'hydrogène;
  • développer la recherche appliquée pour accélérer la fiabilisation des électrolyseurs de forte puissance et leur industrialisation;
  • et une "clarification" et "simplification" des mécanismes de soutien public, avec des dotations financières permettant de compenser les différentiels de prix avec l'hydrogène fossile "dans la durée".

Parmi les freins au développement de l'hydrogène, l'étude identifie deux secteurs très hésitants à investir, alors qu'ils étaient considérés il y a quelques années comme les plus pressés d'en obtenir pour verdir leurs processus: les raffineries et les fabricants d'ammoniac.

"Les raffineries en Europe ont du mal à prendre des décisions d'investissement pour l'hydrogène alors qu'elles se posent la question de leur avenir d'ici une quinzaine d'années en raison de l'électrification en cours de l'industrie automobile" en Europe, explique François Legallend, directeur du laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux du CEA (CEA-Liten), lors d'une présentation de l'étude à la presse.

Chez les producteurs d'ammoniac, la raison est différente: ils doivent construire de nouvelles usines nécessitant de coûteux investissements, or leurs clients finaux (engrais) ne sont pas prêts à payer plus cher pour de l'hydrogène décarboné", précise M. Canton.

En revanche, deux secteurs sont très allants sur la demande: la sidérurgie pour décarboner la production d'acier, et le transport aérien pour décarboner les carburants.

"A lui tout seul, le secteur du transport aérien représenterait plus de la moitié de la demande d'hydrogène à partir de 2035", souligne l'étude.

Les industriels jugent globalement le prix de l'hydrogène décarboné "élevé", la réglementation européenne "trop contraignante et trop fluctuante" et s'inquiètent par ailleurs de difficultés d'approvisionnement par manque d'infrastructures.

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