🚨️La réforme de la sûreté nucléaire attendue en conseil des ministres

19 décembre 2023   •   3 minutes de lecture

Paris, 19 déc 2023 (AFP) - Réforme de la sûreté nucléaire, mouture deux. Le projet contesté de réorganisation de la sûreté nucléaire, destiné à "fluidifier" les décisions pour mieux relancer l'atome en France, devrait être présenté mercredi en conseil des ministres.

Retoqué en mai après avoir été glissé dans un amendement législatif, ce plan fait cette fois l'objet d'un projet de loi, qui commencera son parcours par le Sénat le 7 février.

Mesure-phare: la fusion de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), la "police scientifique" du secteur, avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales, deux entités nées dans les années 2000 des leçons de la catastrophe de Tchernobyl.

"Cette évolution permettra de répondre aux attentes en termes de délais et d'efficacité des processus d'expertise, d'instruction, d'autorisation et de contrôle", explique l'exposé des motifs de l'avant-projet de loi.

Cette grande "Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection" (ASNR) devra être créée au 1er janvier 2025, ajoute le gouvernement, qui porte un programme de six nouveaux réacteurs EPR -- Emmanuel Macron ayant promis d'en annoncer huit autres "dans les prochains mois".

Les conditions salariales des agents de l'IRSN seront améliorées, la recherche maintenue au sein de la future organisation. Mais de nouveau, l'intersyndicale de l'IRSN comme nombre d'associations écologistes, de consommateurs, riverains de centrales, syndicats... sont vent debout. Le projet a été accueilli fraîchement par la plupart des organes consultatifs.

Au coeur de la controverse: l'indépendance des experts et la transparence à l'égard du public.

Les critiques craignent notamment que les expertises de l'IRSN ne soient plus publiées au fil de l'eau, comme le stipule une loi de 2015.

L'avant-projet prévoit que la future autorité définisse "dans son règlement intérieur les modalités de publication des résultats de ses activités d'expertise". Son article 4 pose le principe d'une "séparation entre processus d'expertise et de décision".

Mais il laisse toute latitude à un futur règlement pour l'organiser, soulignent ses détracteurs.

Ceux-ci sont d'autant plus inquiets que ce projet a émergé dans des conditions particulières, et s'il parle désormais de fusion, il s'agissait alors de démanteler l'IRSN.

Le sort de l'Institut a en effet été scellé le 3 février à l'Elysée lors d'un conseil de politique nucléaire à huis clos. Son personnel en a été informé trois jours après, puis le public via un communiqué de presse du ministère de la Transition énergétique.

Devant le tollé sur la forme et le fond, la proposition a d'abord été rejetée par le Parlement, mais la ministre Agnès Pannier-Runacher a toujours exprimé son souhait de "boucler" le projet.

La fusion avant les objectifs

Un rapport a été produit cet été par l'OPECST, l'Office parlementaire des choix scientifiques. Dans ce rapport de 50 pages, les auteurs, un député Renaissance et un sénateur LR, retracent l'historique et l'état de la sûreté en France, puis concluent à la nécessaire fusion des entités, sans que le lien entre les deux n'apparaisse clairement cependant.

Michael Mangeon, chercheur spécialiste des sujets de sûreté nucléaire, le constate à l'époque: "globalement le rapport de l'OPECST est intéressant à lire mais il ne donne pas d'éléments sur les fragilités du système actuel et les conséquences possibles de la réforme."

Cet automne, de nouveau, nombre de parlementaires, souvent de gauche mais aussi souvent pronucléaires, ont posé la question lors des dernières réunions en commissions consacrées au sujet: "pourquoi cette fusion?"

"En quoi le système actuel empêche-t-il d'atteindre nos objectifs ambitieux de relance du nucléaire? Je n'ai toujours pas la réponse", a dit Benjamin Saint-Huile, du groupe composite Liot.

Raphaël Schellenberger, député LR très impliqué dans le sujet nucléaire, se dit lui aussi "très dubitatif", pour d'autres raisons.

"La fusion prime sur les objectifs poursuivis", dit-il à l'AFP, déplorant que le texte ne fasse pas plutôt "évoluer notre référentiel de sûreté": "j'aurais préféré une réforme manageriale plus au fil de l'eau".

Les critiques se rejoignent en tout cas pour mettre en garde contre une réorganisation décidée au moment où les deux entités vont avoir le plus de travail: prolongation de réacteurs, arrivée de nouveaux, stockage de déchets Cigeo...

"Toute organisation nouvelle commence par produire six ans d'inefficacité", alerte le député du Haut-Rhin.

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