🚨️Sûreté nucléaire: dans le sens du gouvernement, un rapport recommande la fusion IRSN-ASN

12 juillet 2023   •   3 minutes de lecture

Paris, 11 juil 2023 (AFP) - C'était un rapport très attendu par le gouvernement, bien décidé à mener sa réforme de la sûreté nucléaire: un rapport parlementaire recommande mardi de fondre l'IRSN, l'expert technique de la sûreté, et l'ASN, gendarme des centrales, une réforme controversée destinée à "fluidifier" les décisions sur fond de relance de l'atome.

"Regrouper les moyens humains et financiers actuellement alloués au contrôle, à l'expertise et à la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection, afin que ceux-ci relèvent d'une structure unique et indépendante" est la première recommandation de ce rapport. Celui-ci a été rédigé par le député Renaissance Jean-Luc Fugit et le sénateur LR Stéphane Piednoir au terme d'auditions à huis clos d'un large panel d'acteurs.

Selon plusieurs participants, le texte a été adopté à une large majorité par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst) dominé par la majorité présidentielle et les oppositions de droite.

A gauche, on pointe un manque de transparence : le texte "nous a été transmis à 10H20 pour un examen à 13H30", a déploré Hendrik Davi, député LFI et membre de l'Opecst, qui évoque une "instrumentalisation" de l'Office.

"J'ai le sentiment que les conclusions étaient écrites à l'avance", a renchéri Gérard Leseul, vice-président PS de l'Opecst, qui ne voit "pas en quoi on peut conclure de ce rapport qu'il faille aller vers une fusion: aucune défaillance n'est démontrée ni comment va fonctionner ce nouveau modèle".

En avril, le gouvernement avait échoué au Parlement à fondre en mode express l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), sur fond de craintes pour la transparence, l'indépendance et la qualité de l'expertise.

L'exécutif, qui a toujours affirmé son intention d'aller au bout du projet, attendait le rapport de l'Opecst.

"Je proposerai au président de la République (...) de s'appuyer sur le travail sérieux et approfondi" fourni par les auteurs du rapport, a d'ailleurs réagi mardi la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher dans une déclaration transmise à l'AFP.

La réforme avait été décidée à huis clos à l'Elysée le 3 février, afin de "fluidifier" les décisions de l'ASN, alors qu'Emmanuel Macron veut faire construire six nouveaux réacteurs en France.

Confidentiel défense

Pour cette entité unique, les auteurs du rapport proposent même un nom: "Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection, ou AISNR".

Selon eux, "il y aurait péril à atermoyer, alors qu'une éventuelle réforme peut être engagée dès la rentrée 2023", pour exécution espérée d'ici la fin 2024.

Ce texte "éclaire les débats du projet de loi à venir", a estimé Gérard Longuet, sénateur LR de la Meuse et premier vice-président de l'Opecst, "puisqu'il y aura forcément un projet de loi gouvernemental", l'ASN ayant une base législative.

Le rapport recommande désormais "un texte législatif dûment débattu au Parlement" pour lancer la réforme.

"Le gouvernement prend acte de cette recommandation", souligne le cabinet de Mme Pannier-Runacher, sans préciser de quelle manière cela se fera ni démentir que le texte pourrait être glissé dans le prochain projet de loi de finances comme le redoutent certains à l'IRSN.

Autre recommandation du rapport, augmenter "significativement, dès 2024, les effectifs affectés aux activités de la sûreté nucléaire civile et de radioprotection, tant en matière de contrôle, d'expertise que de recherche", et les salaires.

Ces recommandations s'apparentent à un moyen de rassurer les syndicats de l'IRSN, selon lesquels cette réforme met en péril les activités de recherche de l'institut et risque d'entraîner une fuite des cerveaux.

Depuis l'annonce des intentions présidentielles, liées notamment au rapport d'un ancien dirigeant du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) classé "confidentiel défense", les salariés de l'IRSN mais aussi des scientifiques, des experts du nucléaire, des parlementaires, sont vent debout contre ce projet de regroupement.

Le système dual actuel -à l'IRSN l'expertise, à l'ASN la décision- est né au début des années 2000 des leçons de la catastrophe de Tchernobyl, avec la séparation des fonctions d'expertise et de gestion du risque. Le travail de l'expert doit être guidé par le seul critère de sûreté, loin des préoccupations des exploitants, plaident les détracteurs de la fusion.


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